BONA SAWA

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LE NGONDO, NGOND’A DUALA : UNE SOURCE INTARRISSABLE D’INSPIRATION…

   

 

LE NGONDO, NGOND'A DUALA : UNE SOURCE INTARRISSABLE D'INSPIRATION…

 

Par Mpèkè Mu Ntonga Alphonse

Londres ce 3.11.2006

 

En ce début de mois de Novembre, les préparatifs liés à la célébration du Ngondo battent leurs pleins. Dans quelques jours, les Sawa Duala vont célébrer le Ngondo, Ngond'a Duala, l'une des fêtes commémoratives, traditionnelles du 'Grand Sawa'. A travers cet exposé, je vais essayer de répondre aux quelques questions que posent beaucoup de Sawa du 'Grand Sawa', y compris les Sawa Douala pris, eu aussi dans la turbulence et confusion qui existe autour du concept du Ngondo actuel. Il faut a cet effet redéfinir le Ngondo dans la logique du Sawa ou 'Grand Sawa' originel et aussi  contemporain. Il serait aussi important de chercher à savoir quelles sont les perspectives d'avenir du Ngondo des 'Sawa Douala' dans la conception du 'Grand Sawa' qui est en chantier et par le fait même l'avenir du Cameroun. Pour nous éclairer sur cette analyse, j'ai emprunté quelques sagesses des hommes de pensée Sawa  tels que Ebele Wei (Epée Valère) dans son livre intitulé 'le Paradis Tabou. Autopsie d'une culture assassinée' (1999), tout comme les travaux de reconstruction idéologique du Ngondo, magistralement articulé dans 'la civilisation de la Croix' de Mokouri Dina Manga (2006).

 

Voila donc qui relance le débat.  Mais avant toute analyse,  il faut d'ores et déjà  trouver un consensus quand  à la définition originelle du Ngondo selon ici nos deux hommes de pensée.

 

La Définition Originelle du Ngondo :

 

Epée Valère nous laisse entendre que le mot ou concept Ngondo à l'origine désignait l' 'Assemblée Traditionnelle de ce même peuple. Je veux entendre par là, le peuple Sawa Douala de la région Littorale du Cameroun. L'auteur va un peu plus loin avec précaution en mentionnant que « ce nom aurait été celui du lieu où se réunissait cette assemblée, a savoir le banc de sable situé au confluent des rivières Ngondo (précisément) et Bessekè. »(ibid.) Il amplifie son explication sur les sources du Ngondo en relatant les notions  qui, je cite : 'donnent plutôt l´explication par le sens de cordon ombilical, symbole par conséquent du lien qui unit à la manière d´un cordon ombilical tous les fils se réclamant de l´arbre généalogique faisant remonter au même ancêtre (cf. Valère EPEE: Le Paradis Tabou, page 133). Ceci pourrait se situer au moins trois siècles de notre ère selon l'auteur.  Nous, nous retrouvons donc ici avec trois dimensions du Ngondo définit par Epée Valère. La première est conceptuelle: 'Assemblée Traditionnelle' des peuples Sawa Duala. La deuxième est spaciale (géographique), le lieu où se tenait ses assises: Les confluents du fleuve Ngondo. La troisième est la connectivité généalogique des peuples Sawa.

 

Cependant, Moukouri Dina Manga Charles  dans son article intitulé  'Le " Ngondo " et la " Civilisation de la croix' (2006)  nous apporte une autre explication qui est somme toute encrée sur la  notion non pas seulement de 'Rassemblement Traditionnel du peuple Duala', mais aussi comme étant le Ngond'a Duala de 1815 constitué sur la base d'un mouvement social (de pensée) qui résiste à la domination occidentale lors des colonisations.

 

 Il va plus loin en exposant qu' « à l'époque, il fallait lutter et résister contre l'oppression coloniale ; seul le " ngondo " a semblé être la solution et l'espoir. »(Ibid.)   Car elle est, à cette époque difficile du Sawa land, la seule manière de résister à l'oppression de la colonisation.  Il faut aussi remarquer que le Ngondo d'alors, « symbolisait à la fois " l'ordre " et le " mouvement " pour la recherche d'un consensus social. » Moukouri Dina Manga Bell (2006). Pour restituer les choses dans un contexte historique encore plus exact, l'auteur affirme que « le " ngondo " est né de la problématique du Kamerun " !… » 

 

Situation Historique du Ngondo

 

Moukouri Dina Manga Bell rappelle que cette situation historique du Ngondo c'est de prime abord « la période épique de l'épopée célèbre de la légende de " Malobe et Ngo-Minga " qui participe à l'illustration de l'idée conceptuelle du " ngondo "; en gestation vers la fin du XVIIème siècle. Ensuite la matérialisation de la volonté de ce " Mouvement " par la signature de l'acte du " traité du 12 juillet 1884 ". Volonté exprimant une " logique institutionnelle " aux fins de bâtir un peuple et une nation souveraine… » (Ibid.)  De ce point de vu, le Ngondo serait donc en fait la base de l'idée d'un état et d'un gouvernement souverain dans le Sawa Land. Ce qui veut tout aussi dire que le Ngondo n'est non pas seulement l'assemblée du peuple Sawa Duala, mais aussi et surtout, la genèse de la pensée politique Sawa qui a à cette époque pour ambition première l'instauration et le maintien de l'ordre social et la gouvernance.

L'auteur nous rappelle aussi que : « c'est ainsi que ce " mouvement " ou " ngondo ", s'assigna par ailleurs des missions de moralisation pour changer les mœurs décadents ; mais initia également des missions spécifiques d'organisation sociale ; d'ordre et de loi ; de liberté et de paix ; de justice et de sécurité ; de développement et d'émancipation des " sujets "… » Comme quoi, le Ngondo est alors  à cette époque, un gouvernement civil ou alors une opposition à l'administration coloniale qui contribuera de façon décisive à la création de la nation Camerounaise. Car il faut remarquer que  le Ngondo avait cette vocation civique et civile de régulation de la vie dans la société Sawa de l'ensemble des peuples Duala dans la région littorale du Cameroun.

 

Aussi et surtout, Moukouri Dina Manga Bell nous donne ce détail percutant qui énonce que  « c'est ainsi que ce " mouvement " patriotique des élites, princes et rois, décida de mettre fin au banditisme ambiant de l'époque ; de codifier et de rationaliser la " pensée " Sawa ; et par la suite de dénoncer et de combattre les comportements défaillants et déviants d'une société à la limite de la dérive. Dès lors, la " volonté " collective " de ce " mouvement ", emprunta résolument le cheminement institutionnel aux fins de créer un Etat souverain. » « Pour la toute première fois, on vit apparaître une " logique d'engagement " porteuse d'autorité et de discipline ; une " logique " idéologique et patriotique ayant des objectifs clairs et précis, confectionnés par une méthodologie propre, appliquée et patiente ; résumant un " idéal " de vie ; lequel idéal pour survivre, se devait un entourage de structures institutionnelles primaires certes, mais égales à celles de tout " gouvernement " légitime soucieux des populations et de ses intérêts publics. »(ibid.) Intéressant.

 

Moukouri Dina Manga Bell rappelle que les choses se passerons donc contrairement au bon vouloir des promoteurs ou initiateurs du mouvement social 'Ngondo'a Sawa Duala' du Littoral. La transmission du pouvoir échappe à cette organisation sociale par des subterfuges conçues pour son démantèlement par les colons et quelques agents coloniaux.  Par conséquent,  les nouveaux hommes de pouvoir comme leurs  prédécesseurs (les colons blancs) « refusent de 'reconnaître le ngondo comme " gouvernement " du peuple Sawa ; lui ôtant ses prérogatives d'autorité et de gestion dans tous les domaines. Tapis dans l'ombre des intrigues et de la médisance, ses détracteurs patentés s'acharnent à lui enlever aussi sa qualité exceptionnelle de porte-fanion du patriotisme et du nationalisme camerounais… ». (Ibid.) Il faut reconnaître que nous n'avons pas ici tous les détails des exactions, des crimes et génocides dont ont été victimes les Sawa Duala pour avoir tenu tête, d'abord à l'administration coloniale, mais aussi aux gouvernements initiés par ceux-ci conduit plu tard par des locaux.

 

Néanmoins, vu l'aspect si important de l'action revendicatrice du mouvement social 'Ngond'a Duala,'  on a vu surgir des manipulations de toutes natures passant de la création de concepts qui ainsi, allaient dénaturer l'aspect fondamental même du l'action du Ngondo. Cela  crée des dichotomies sans précèdent qui perdurent jusqu'à nos jours. L'auteur émet pour cela des réserves et précise que «c'est pourquoi il ne serait pas vain de savoir ce que renferme aujourd'hui l'enveloppe: " assemblée traditionnelle du peuple Sawa ». Entendre par là, la nouvelle formulation du Ngondo actuel. Ce sont plus que des réserves, ce sont même des doutes. Ce concept ne serait t-il pas alors qu'une nouvelle désarticulation du concept initial du Ngondo pour plonger ce mouvement de pensée, dans ce que certains voudraient qu'il ne soit plus : c- a-d : un mouvement d'action social.

 

Moukouri Dina Manga Bell va plus loin et plus fort d'ailleurs dans son propos en touchant à l'aspect frauduleux, corruptible qui étouffe désormais cette institution traditionnelle qu'est le Ngond'a Duala, aujourd'hui. Il se pose donc la question de savoir, si ce n'est qu' « une ineptie de plus ou une provocation-piège? Pour moi, je crois qu'il s'agit d'une " insulte civilisée " ; hybride et insipide ; renfermant une bonne dose d'inféodation culturelle à la coloniale. » (ibid.)   Il faut voir ici que le Ngond'a Duala a eu pour premier détracteurs, toutes formes d'idéologies et théories scientifiques importées par la culture coloniale avec pour dessein de contrôler ou alors détruire toutes formes de résistances ou d'opposition à l'invasion occidentale. Désormais, cela facilité l'éclosion de mentalités corruptives dans le Sawa land ce qui fait dire avec justesse à Mokouri Dina Manga Bell que « le " ngondo " pouvait ressembler à tout, sauf à ce " conglomérat " d'ambitieux et de prétendants aux postes juteux du pouvoir ; ces déviationnistes culturels et ces chantres de la falsification de nos us et coutumes, regroupés de gré ou de force au sein de cette fameuse " assemblée traditionnelle du peuple Sawa "… » Parlant bien sur, du 'Ngondo traditionnel'. Cela ne surprendra pas grand monde, cette vérité est cinglante, elle est dévastatrice car c'est ici même que se meurt l'âme du peuple Sawa Duala résigné, qui tourne le dos à ses origines identitaires, son passé glorieux par des comportements empruntés, qui sont passés ici pour normes nouvelles.

 

Moukouri Dina Manga Bell, qui ici reste dans cette logique de raisonnement d'un 'Ngondo traditionnel', je veux dire initial, se souvient que «le " ngondo " de nos ancêtres était bel et bien un mouvement patriotique ; un " gouvernement " destiné à servir le Kamerun ; et non cette " chose " anonyme " d'assemblée traditionnelle ", conçue (peut-être) pour se servir du Cameroun… »  Ce qui veut tout simplement dire ici que la mission, les objectifs et visés actuels du Ngondo laissent tout de même assez perplexe, confus, dubitatif et même dans une frustration quasi permanente. Est-ce à cause de la nouvelle configuration socio politique et culturo économique du Cameroun ? Est-ce à cause de la gangrène, cette nouvelle façon d'être Camerounais ; cette corruption qui a pris place sur tout le tissu social du pays?

 

L'ère du « Renouveau » avec le président de la République du Cameroun en la personne de son excellence Biya Paul, va sans nul doute percevoir ce malaise et ne restera pas passif devant cette situation importante du Ngond'a Sawa Duala. Ce qui fait observer à Moukouri Dina Manga Bell qui dit je site : « Fort heureusement, puisqu'il faut le dire, le président Biya, dans sa lecture du temps, comprit vite l'intérêt qu'avaient le Cameroun et son " Renouveau " à faire revivre le " ngondo " dans son " concept originel "…La réaction du président Biya Paul reconnaissons le, épouse alors ici avec son idéologie du 'Libéralisme Communautaire'. Moukouri Dina Manga Bell précise aussi que « c'est ainsi qu'à sa manière, pour " refonder " ce " concept ", le réhabiliter et le rétablir dans tous ses droits, ils prit l'acte majeur en faisant de Rudolf Duall'a Manga Bell et Paul Martin Samba des héros nationaux… » Il parle bien évidemment du président Biya. Du Ngondo interdit au temps du président Ahidjo Amadou, on voit un Ngondo libéré, mais qui doit se libérer davantage aujourd'hui de ses propres contradictions, s'auto psychanalyser de ses propres vieux démons qui ne sont rien d'autres que la création et la manipulation des faux concepts et leur fausse interprétation. 

                                                                                                   

L'auteur dit par ailleurs que « l'"affaire ngondo", puisqu'il faudra l'appeler ainsi, ne sera certainement pas une légende mais une très belle " aventure littéraire " qui alimentera pendant longtemps, nos esprits et plusieurs pages de l'oralité africaine. De cette complexité culturelle, naîtront de nouveaux critiques littéraires mieux armés et plus expérimentés, capables d'expliquer pourquoi notre dialectique culturelle a besoin des concepts de patriotisme et de nationalisme pour être complète et performante. »Moukouri Dina Manga (2006)

 

Cependant l'auteur prévient en faisant allusions aux vieux démons du Ngond' a Duala, qu'il considère comme : « ces " cultures champignons " qui naissent par " scissiparité " et pour cause, dans nos villages n'ont rien de comparable au " ngondo " ; si ce n'est sa dimension folklorique. Par contre, presque toutes germent et fécondent avec des embryons de tribalisme laissés par nos anciens " maîtres ". En aucun cas, le " ngondo " valeur de rassemblement et de " culture " plurielle, ne peut être comparé à ces " attroupements saisonniers " de " fêtes campagnardes ", ou ressembler à un vulgaire " fourre-tout associatif ", folklorique sans objet et sans destination ; totalement dévoyé pour avoir abandonné à d'autres sa souveraineté intellectuelle, son patriotisme et son destin… » (ibid.)

 

La nature actuelle du Ngondo interpelle donc tout un Sawa qui a du bon sens ou alors une intelligence pour réaliser qu'il y a urgence dans la demeure, comme le démontre ce riche et déterminant article de Moukouri Dina Manga Bell, qui jette un pavé, comme on en avait pas vu depuis si longtemps dans la mare. Il a raison de rappeler qu'on ne saurait par soucis de modernisation tout azimut vouloir faire du Ngondo, un carnaval comme celui de Rio. Il n'en est par ailleurs pas contre, moi pareillement. Seulement, le Ngondo comme vous le diront les anthropologues qui explorent le concept socialement construit du Ngondo et des carnavals vous feront remarquer qu'il faut ici faire attention, car la notion de Ngondo est pluridimensionnelle. Beaucoup de Sawa ne perçoivent pas toutes ses dimensions (du Ngondo séculaire). Ils se limitent à celles qui répondent à leurs besoins immédiat et non à ceux de son déploiement, de sa nature entière, intrinsèque même. C'est une représentation qui satisfait aux besoins des agents du néo-colonialisme international et 'local', sans oublier le néo-libéralisme sous la désignation de culture. 

 

 Le Ngond'a Duala c'est un ensemble, un mouvement, une force qui est et qui sera l'inspiration à jamais, du déploiement de l'intelligence et la sagesse Sawa Duala, inspiratrice du 'Grand Sawa' contemporain et même du Cameroun qui avance, n'eut été les aléas et les turpitudes, vers  des mutations nouvelles, auréolées d'espérance.

 

Je tiens ici à remercier tout particulièrement mes congénères Sawa, aînés et contemporains les sieurs Moukouri Dina Manga Bell, Epée Valère, pour nous avoir offert ce fond de pensée d'une valeur épistémologique assez précieuse qui, ainsi, éclaircit un peu plus et fait courageusement avancer le débat Sawa pour un 'Grand Sawa contemporain' plus objectif et mieux socialement construit pour servir le Cameroun et non être servi par le Cameroun de ce 21 me siècle. Ca résume tout.

 

A vous, nos chers (ères) fidèles visiteurs (ses) Sawa Duala du Premier Espace Social en ligne des peuples du 'Grand Sawa', (Bona Sawa) l'équipe d'animation se joint à moi pour vous souhaiter une agréable célébration du Ngondo 2006.  Puisse le Ngond'a Duala originel, produit de la sagesse et l'intelligence de nos ancêtres vous inspirer en ces jours…

 

EN CŒUR NOUS DISONS  « NGOND'A DUALA O BWINDEA ! »

 

A suivre…

 

Références:

 

Manga Bell, M.D.C. (2006) « Le " Ngondo " et la " Civilisation de la croix ». BNS Août 2006 (Online). Lu ce 4.10.2006.

https://bonasawa.blog4ever.com/blog/lirarticle-31178-129969.html

 

Epee, V. Ebele Wei (Valère Epée) (1999)'Le paradis tabou. Autopsie d'une culture assassinée' Éditions CERAC .

 



08/11/2006
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