BONA SAWA

BONA SAWA

BNS PRESENTE LE CHEF DES BATANGA DE LOHOVE, MAHOUVE MICHEL


Cameroun,Kribi : patriarche et juriste, le chef Mahouvé des Batanga évoque la fête traditionnelle en préparation

Selon le chef Michel Mahouvé qui s'apprête à conduire les rites traditionnels de son peuple le 09 mai 2010, « La commémoration du Mayi  est à la fois l'occasion de se souvenir de la douleur de l'exil, de la joie du retour à la terre natale, de remercier Dieu pour ce retour sur cette belle terre».C'est homme mène une double vie : Magistrat hors hiérarchie, il est Directeur des droits de l'Homme et de la Coopération Internationale au ministère de la justice. Guide traditionnel, Sa majesté Michel Mahouvé est le chef des batanga-Lohovè.« Notre espace géographique est traversé par le fleuve Lohovè que certains appellent Kienké. Notre Groupement couvre en fait le périmètre le plus urbain de la ville de Kribi, soit quatorze quartiers que sont Bongandoué, Mboamanga, Mpangou et Talla sur la rive gauche du fleuve Lohovè, Mokolo, Zaïre, New-Town, Ngoè-Réserve I et II, Ngoè, Wamiè, Njamouè, Massaka (Centre Administratif) et Petit-Paris sur la rive droite du même fleuve ».

Le peuple batanga qui s'apprête à célébrer sa fête annuelle compte aussi deux autres groupements – Batanga Nord et Batanga Sud – qui constituent avec les batanga Lohovè, l'espace administrativo-traditionnel, avec les mêmes coutumes, les mêmes modes alimentaires et le même attachement à la mer… « Nous sommes tous des batanga, partageons la même langue, même si ici et là on peut observer quelques nuances (entre le Banoho, le Bapuku et le Batanga ba Nda) ».
Le groupement de sa Majesté Mahouvé est géographiquement placé au centre de l'espace culturel Batanga. « Cette centralité, explique t-il,  fait de nous le reflet instantané de la réalité batanga. L'idée que les étrangers se font du batanga est essentiellement tributaire de notre manière d'être à Lohovè. Le contact avec le batanga, c'est généralement à Lohovè, au centre de Kribi, qu'on en prend la température. C'est la raison pour laquelle, à titre personnel, chaque fois que je pose un acte, je me dis que j'engage tous les batanga et cela m'impose des responsabilités particulières. Pour ne prendre qu'un exemple, depuis trois ans, j'organise chaque année au sein de mon Groupement, une distribution de prix aux élèves batanga les plus méritants et aux nécessiteux. Je ne fais aucune distinction, tous les élèves batanga quel que soit leur groupement de rattachement sont concernés par cette manifestation ».


Centralité

Pour la deuxième fois en un an, les batanga vont commémorer ce qu'ils appellent 'la déportation', devenue à l'occasion une double fête traditionnelle. Pourquoi deux fêtes au lieu d'une ? Selon le chef, « Nos populations ont pris l'habitude d'appeler le ''Febuary'' et le ''Mayi'' (cela vient de l'anglais comme pas mal de mots couramment intégrés dans la langue batanga) et, pour être plus précis, le 14 février et le 09 mai, dates qui marquent le retour en 1915, de nos populations de l'actuelle région du Sud-ouest où elles avaient été évacuées par les Alliés (sous l'impulsion du Général Dobell, Commandant des troupes alliées à Douala) pour les mettre à l'abri du feu croisé des belligérants de la 1ère Guerre mondiale, dans le contrôle de la ville Kribi. Le droit international humanitaire qualifie une telle opération d'évacuation et non de déportation, l'intention étant de sauver nos populations de l'extermination et non de les priver de leur droit à leur terre, ou de les asservir ou les persécuter. Ce retour s'est donc effectué en deux vagues : une première vague le 14 février 1915, avec majoritairement la composante bapuku et une deuxième vague le 09 mai 1915 avec, en majorité, la composante banoho ».
Cela fait donc 94 ans que dans une ambiance faite à la fois de recueillement et de liesse populaire, les Batanga écrivent leur cahier d'un retour à la terre natale. Toutefois, un débat est ouvert : Est-il envisageable  de transposer les fêtes de 'Febuary' et de 'Mayi' sur une date unitaire ? Pourrait-on retenir Mayi pour fixer la mémoire collective et  utiliser Febuary comme journée du souvenir ?
 
Sa majesté a son idée la dessus.  'Febuary' et 'Mayi' sont devenus de véritables repères, non plus seulement historiques, mais identitaires pour les Batanga. Choisir une date arbitraire par souci d'économie d'argent, de temps, d'énergie ou, pour consolider l'unité des batanga serait vider la commémoration de tout son sens. « Est-il symboliquement prégnant de commémorer un évènement précis à une date autre que celle de sa survenance ? Ce n'est pas un simple anniversaire – je veux parler de l'évènement qui nous intéresse – dont on peut décaler la date festive, par exemple un samedi ou un dimanche pour pouvoir avoir le maximum d'amis, de parents et de connaissances autour de soi…

Je voudrais quand même ajouter qu'à l'image du Ngondo ou du Mpo'o qui sont des fêtes essentiellement culturelles, les Batanga dans leur ensemble et ''leur diversité'' pourraient décider de la création d'une fête culturelle commune. Puisque nous aimons les fêtes et voulons renforcer notre unité à travers les fêtes, alors trois fêtes, trois occasions de nous retrouver au cours d'une même année, ça ne nuirait à personne, surtout pas à notre unité …».

Clan d'âge

Depuis l'année dernière,  l'organisation du Mayi incombe à une association de clan d'âge. Ces associations sont de plus en plus, au-delà de la solidarité manifestée lors des évènements heureux ou malheureux, des véhicules du développement économique. « J'ai tenu à les responsabiliser davantage - et pour en ancrer l'esprit collectif - en leur confiant l'organisation du Mayi qui jusqu'ici était  l'apanage de personnalités batanga à titre individuel », souligne le chef Mahouvé dont la préoccupation actuelle est, entre autres,  le centenaire du Mayi en 2016.
 
Face au  délitement psychologique de la jeunesse batanga, qui est à l'image du drame que vit aujourd'hui la jeunesse camerounaise en général, des voies sont à explorer : « Il nous appartient, dans un sursaut collectif, de redonner confiance à cette jeunesse en magnifiant les valeurs qui conditionnent la réussite : le culte de l'effort, le travail, la foi en Dieu… Par ailleurs, comment se préparer pour ne pas rater le train du boom économique qui se profile à l'horizon, avec les projets annoncés ou imminents dans notre ville », s'interroge Sa majesté Mahouvé qui reconnait en toute lucidité que « Kribi se caractérise par un véritable brigandage foncier qui spolie nos populations et nos enfants de ce qu'ils ont de plus précieux. C'est vrai que ceci se passe très souvent avec la complicité active de certaines autorités, y compris traditionnelles ».

Le souverain batanga note ainsi que la dégradation de l'environnement, notamment de la mer et des plages est un risque imminent. Avec le Pipe line Tchad-Cameroun, l'on a fait semblant de ne s'intéresser qu'au risque de pollutions accidentelles, occultant les pollutions fonctionnelles. « Personne ne peut en effet nous assurer que les déchets pétroliers ou que les cuves du navire – réservoir en mer ne sont pas vidangés et déversés en mer. Que fait-on de tout cela ?  C'est peut-être le fruit de mon imagination ou du cauchemar que constitue ce problème pour moi, mais j'ai le net sentiment que nos plages ne sont plus aussi belles, que le sable n'est plus aussi blanc ou doré qu'au temps de mon enfance ».
 
S'agissant de la déscolarisation, c'est un véritable problème. « Nos enfants attirés par le gain facile, désertent l'école pour le débarcadère où en faisant de la manutention, ils reçoivent une pitance journalière. Nous sommes conscients de ce problème et avons mis en œuvre une stratégie pour y remédier ».

Source : http://www.camer.be/index1.php?art=9836&rub=11:1



03/05/2010
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