BONA SAWA

BONA SAWA

DEVOILER LE NEOCOLONIALISME/IMPERIALISME EST UN DEVOIR HUMANITAIRE

La statue dégradée par Mboua Massock
A 53 ans, il garde la verve de sa toute prime jeunesse. Plus vive, plus tranchante et plus pugnace. Celui qui a été envoyé à sept reprises dans les geôles de la République pour ses prises de positions et ses actes citoyens, était à la tête du cortège des manifestants qui ont apporté leur soutien à Eto’o Fils, victime de propos et gestes racistes lors du match Sarragosse contre Fc Barcelone. En attendant de retrouver les tribunaux le 5 mai dans l’affaire dite de “ Dégradation des biens publics ”, celui qu’on appelle “ Le Combattant ” a bien voulu, pour le quotidien Le Messager, dire ce qu’il pense du rôle des intellectuels, de la société civile et des partis politiques, quant à la vieille critique face à la déperdition de nos valeurs africaines et humanistes. Au passage, il égratigne le président Paul Biya et l’Etat camerounais engagés dans une “ pseudo lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite ”. Sans langue de bois.

Vous qui êtes habitué à marquer des actes citoyens. Dans quel cadre situez-vous la manifestation de soutien à Samuel Eto’o Fils, qui a subi des propos et actes racistes le 25 février dernier à Sarragosse?

C’est effectivement un acte citoyen que de me joindre à ce rassemblement pour dire halte aux actes racistes et apporter toute notre chaleur et tout notre soutien à l’un de nos fils et frères les plus talentueux dans le domaine du sport en général et du football en particulier. Tout ce que je pose comme acte est citoyen. Les gens interprètent cela à leur manière, parfois parce qu’ils m’ont vu dans des champs politiques. Je suis suffisamment attaché aux grandes valeurs, qu’elles soient liées au passé ou au présent. Et j’estime que Eto’o en constitue une. S’il n’ y a pas de repère sur le plan historique, sur le plan social ou même de la vie quotidienne, on ne peut pas s’en sortir. Si les enfants peuvent aller loin, c’est parce qu’ils auront aussi eu ces repères. Eto’o est un repère de la victoire, du courage, de la détermination. Quand on le voit jouer, on sent qu’il veut faire tous les efforts pour gagner. C’est pourquoi nous devons manifester notre fierté à son endroit non seulement devant le petit écran quand il marque un but ou réussit un geste spectaculaire. Nous avons la chance qu’il soit des nôtres, de notre pays, de notre continent. C’est pourquoi nous devons tout autant lui témoigner notre solidarité quand il est attaqué, mal traité, injurié. Nous devons manifester publiquement notre joie et notre affection pour Eto’o aux yeux du monde. Les exclusions sur la base de teint, des origines sociales et autres, sont des combats à mener de tout temps.

Le fait que les actes en question proviennent des Européens, c’est-à-dire des peuples qui ont toujours voulu donner des leçons de respect des droits de l’Homme aux Africains, constitue-t-il une source de motivation supplémentaire de mobilisation?

Je ne défends pas les valeurs africaines et humanitaires par rapport à l’Europe. Je les défends par rapport à l’Afrique. L’Europe, contrairement à ce que certains pensent n’a jamais été le point départ du respect des grandes valeurs. C’est l’Afrique qui est le berceau de l’humanité et donc de tout ce que l’humanité a produit. Malheureusement à l’heure actuelle très peu d’Africains en sont conscients. Même lorsque je pose des actes pour réveiller les consciences à ces valeurs du passé parce que c’est la base. Au fur et à mesure qu’on rentre on doit retrouver une Afrique debout, fière, digne. L’Afrique n’a jamais été ce qu’elle est maintenant. Ce qu’elle est aujourd’hui, c’est une transformation des Africains. On a fait de nous des peuples hybrides. Nous ne sommes plus nous-mêmes. Nous sommes devenus comme un ordinateur à qui on a enlevé un logiciel pour mettre un autre. Nous fonctionnons exactement comme des gens à qui on a mis un autre type de cerveau, un autre type de conscience. Notre conscience n’est plus africaine. Regardez, dernièrement on nous dit qu’il faut que des hommes commencent à coucher avec les hommes, les femmes avec les femmes. En tant qu’Africain ça me donne la chair de poule. Ce débat par ailleurs ordurier sur l’homosexualité aliène la mentalité africaine.

On a l’impression que les hommes politiques, les intellectuels et autres éclaireurs de conscience, ont démissionné de leur mission de la veille critique. La nature ayant horreur du vide, chacun est amené à faire n’importe quoi. Quelle est la responsabilité des uns et des autres dans la déliquescence de la société camerounaise?

Je commence par les intellectuels. Un grand journaliste, Béchir Ben Yamed avait fait un article il y a quelques années où il se demandait “ Où sont les intellectuels? ”. Il développe exactement la thèse de la démission des intellectuels en Afrique. Les intellectuels ne sont plus là. Ils sont partis manger. Mais nous devons continuer le combat, seuls ou avec les autres. Une manifestation comme celle que nous organisons de soutien à Samuel Eto’o contre le racisme et la xénophobie, est l’occasion aussi d’interroger le sens citoyen des Camerounais, de même que celui des valeurs élevées. C’est la reconnaissance et l’identification de ces grandes valeurs. Quant à l’Etat, il est évident qu’il n’existe pas au Cameroun. Il ne peut donc pas jouer un rôle de veille des consciences ou de guide. L’Etat est au maquis pour ce genre de chose. C’est une tâche qui est trop élevée pour lui. Constater vous-même, le président Biya arrive à Douala où se trouve la tombe de Douala Manga Bell. Mais Biya ne s’incline même pas devant cette tombe. Il est alors président de qui? De quoi? De quelle République? Tant qu’il ne sera pas connecté à ce passé glorieux, il ne fera rien de bon pour notre pays. Mais il faut toujours se rattraper. Je lui conseille de faire le tour des régions du Cameroun pour s’incliner devant les tombes de nos héros morts pour notre pays. Dans tous les pays du monde entier, les grands hommes d’Etat s’identifient aux grands noms qui ont fait l’histoire locale, nationale et même internationale.

L’Etat dont vous parlez vient d’engager depuis quelques mois, la traque des criminels présumés en col blanc. Comment situez-vous cette action et quelle portée lui donnez-vous?

L’Etat camerounais dont vous parlez est un Etat imaginaire. Ce n’est pas lui qui traque les bandits. C’est le travail que nous avons effectué depuis belle lurette auprès de la Communauté internationale qui est en train de porter des fruits. Je ne suis donc pas sensible à ce que fait l’Etat dans ce domaine. Pourquoi? Souvenez-vous, en 1986 je suis arrêté pour avoir écrit un texte sur la corruption. Je le conclus en disant que si vous êtes responsable et que vous avez devant vous les faits justes et que vous ne prenez pas des décisions qui s’imposent, il faut démissionner. On m’arrête en concluant que je demande à Paul Biya de démissionner. J’ai fait pour cela 22 jours de détention à Douala et 12 à Yaoundé. Je ne peux donc pas reconnaître l’action de l’Etat dans la lutte contre la corruption. Mais je dis merci à la communauté internationale de s’être arrimée à notre travail pour prendre en main l’Etat camerounais et le guider.
 http://www.bonaberi.com/article.php?aid=2147


24/06/2007
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