BONA SAWA

BONA SAWA

LES CAMEROUNAIS SE SOUVIENNENT DES ASSASSINATS OCCIDENTAUX PENDANT L'OCCUPATION ABUSIVE

LES CAMEROUNAIS SE SOUVIENNENT DES MORTS DES COLONNISATIONS OCCIDENTALES.

 

Danielle Nomba (revisité par A.N.Mpeke,2007)

 

Il y a en effet 91 ans que les premiers résistants camerounais ont été soit pendus soit fusillés par l’administration coloniale allemande qui les a jugés et condamnés pour “trahison”.

Tandis qu’à Douala, Duala Manga Bell était pendu en même temps que son secrétaire et cousin Ngosso Din, Martin Paul Samba était fusillé à Ebolowa, Madola à Kribi. Les lamibé de Kalfu et de Mindif subissaient le même sort, tout comme cinq dignitaires de la cour de Maroua.

Il y a 89 ans exactement, en ce jour du 8 août 2003, l’Allemagne pendait, au coeur de la cité administrative de Douala, Bonanjo, juste en face de la résidence du malheureux, un homme qui a osé s’opposer à leur politique discriminatoire; celle-ci visait à exproprier les nationaux de leurs terres. Cet homme, c’est Rudolf Doualla Manga Bell, arraché à la vie à 42 ans. Son secrétaire et compagnon de lutte, Ngosso Din, partagera le même sort, le même jour. Honni par l’administration coloniale allemande, Doualla Manga Bell est pourtant rentré dans l’histoire et, depuis 18 ans, reconnu héros national par le président de la République. Mais, apparemment, le temps, qui permet de tout oublier, commence à effacer cet homme de la mémoire collective. Comme Martin Paul Samba ou le chef Madola, autres résistants également assassinés par l’administration coloniale ce 8 août sanglant de 1914.

Au coeur de Bonanjo, juste à côté de la Cour d’appel du Littoral, se dresse encore la maison du héros. On ne peut ne pas la remarquer. Communément appelée Pagode par les curieux de la culture, son architecture rappelle les maisons orientales. Mais elle cache aux regards des passants une obélisque immaculée sous laquelle reposent, “en plus de Rudolf Doualla Manga Bell, son grand-père, son père et son fils aîné”, selon Emilien Manga Manga, descendant de Doualla Manga Bell. Depuis 1936, année de l’exhumation de Rudolf du cimetière Njo-Njo, où il reposait auprès de son ami Ngosso Din, pour Bonanjo, c’est ici que les siens viennent se recueillir les 8 août, dès l’aube. “C’est un réflexe dans la famille, de générations en générations. Même les membres de la famille qui sont à l’étranger prennent un moment de recueillement ce jour, en la mémoire de notre aïeul”, explique Emilien Manga Manga. Le rituel devrait être observé ce vendredi aussi, garantit-il. Il consiste essentiellement en un dépôt de gerbes de fleurs sur les tombes de Rudolf et ses acolytes, ces hommes qui ont donné leur vie pour la patrie.
Anonyme

En dehors de la famille de Rudolf, personne ne semble plus se souvenir du héros. Lors d’un vox populi, quelle n’a été notre surprise de constater que la majorité de personnes interrogées, adultes comme enfants, avouent que le nom de l’homme ne leur dit rien. Quant à ceux qui en ont entendu parler, plusieurs n’arrivent même pas à situer dans quel cadre il a mené son action. Alors qu’il y a encore une vingtaine d’années, la communauté sawa, en particulier les membres de la famille Bonadoo (famille élargie de Manga Bell, partant de Bonabéri à Njo-Njo, en passant par le canton Bell), participaient à la commémoration du 8 août, désormais, seule la famille restreinte respecte encore à ce rituel. Non sans rappeler que “nous n’embrigadons pas notre aïeul. Chacun peut, d’une manière ou d’une autre, lui rendre hommage”.
Du côté de la délégation de la Culture pour le Littoral, dont le service du patrimoine est chargé, entre autres, de la vulgarisation des figures historiques et de la préservation du patrimoine culturel national, on fait peu de cas du personnage, et de son héritage matériel. Pour cause, “il n’y a que le recensement du patrimoine national qui est en train d’être effectué et la création d’un cadre d’action qui nous permettra d’entreprendre quoi ce soit vis-à-vis de la mémoire de nos héros nationaux”, dixit le délégué Ondoua-Memvoutta. Dans la famille, on n’attend pas.
Un héritage qui survit tant bien que mal

“Notre famille est riche, certes, mais d’une richesse immobilière”, confie Marilyn Doualla Bell. Et la résidence de Rudolf Doualla Manga Bell, la fameuse pagode, y occupe une place de choix depuis un certain temps. Car, il n’en a pas toujours été ainsi. “A la mort de Rudolf, sa famille a déserté la pagode”, rapporte Marilyn. Depuis, elle ne l’a plus réintégrée. Néanmoins, elle est la propriété de la famille, plus exactement des héritiers de trois enfants de Rudolf Doualla Manga Bell. Mais on ne peut pas en dire autant de toutes les bâtisses de l’homme. L’une d’elles est aujourd’hui la propriété d’un assureur, juste en face de la pagode.

Après avoir connu l’abandon jusqu’au début des années 80, la pagode renaît aujourd’hui de ses décombres. “Quand je suis venue au pays vers la fin des années 80, j’ai trouvé que des fous faisaient du feu avec le bois des volets d’origine. La partie salle de cinéma ajoutée dans les années 1920-1930, Ndlr) était totalement désaffectée”, se souvient Marilyn Doualla Bell. Il a donc fallu la réhabiliter. Depuis, elle est cédée en location à des tiers. Pourtant, la famille ne demande qu’a faire rentrer la pagode dans le patrimoine national. Mais, selon Marilyn, “toutes les démarches que nous avons entreprises dans ce sens ont été vaines”. Résultat, la résidence n’est pas visitable par ceux qui seraient tentés de jeter un coup d’oeil dans l’espace où a vécu celui qui a été pendu ce jour. Comme son illustre occupant, elle n’est plus qu’une affaire...de famille.



01/08/2007
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