PAN AFRIQUE: APPEL A LA JEUNESSE AFRICAINE PAR T.OBENGA
Théophile Obenga : son "Appel à la jeunesse africaine"
Rencontre avec le célèbre intellectuel africain à l’occasion de la sortie de son livre
Dans son dernier livre, le Professeur Théophile Obenga sort de son registre habituel en lançant un grand Appel à la jeunesse africaine, paru ce vendredi aux Editions Ccinia Communication. Face aux nombreuses tragédies qui touchent le continent africain, celui qui a été l’assistant de Cheikh Anta Diop appelle cette jeunesse à se réveiller, à sortir de son état de désoeuvrement et à agir pour la Renaissance africaine.
samedi 28 juillet 2007, par Vitraulle Mboungou
Appel à la jeunesse africaine est la dernière œuvre de l’historien, égyptologue et linguiste congolais, le Professeur Théophile Obenga. Persuadé que les Africains trouveront leur salut non en Occident, comme semblent le penser bon nombre d’entre eux, mais chez eux, il invite la jeunesse africaine à une meilleure connaissance de son Histoire. Théophile Obenga a étudié la philosophie à l’université de
Afrik : Pourquoi Appel à la jeunesse africaine est il aussi différent de vos autres écrits ?
Théophile Obenga : C’est vrai, je m’occupe habituellement d’autres champs de recherche tels que l’histoire linguistique, l’anthropologie… Mais j’ai senti comme une nécessité d’écrire ce livre car nous vivons actuellement de grandes tragédies comme les pandémies, les jeunes qui meurent en mer dans les îles Canaries, le taux élevé de chômeurs dans les capitales africaines…La jeunesse est quasiment désœuvrée. En tant qu’intellectuel, je ne peux pas fermer les yeux sur tout cela. Je me pose donc des questions, je tente de comprendre le pourquoi du comment de ce malheur qui touche tout particulièrement la jeunesse en Afrique.
Afrik : En lisant votre livre, le moins que l’on puisse dire c’est que vous n’êtes pas tendre avec l’Occident : vous écrivez : « Dominer, coloniser, détruire, tel est le destin de l’Occident »...
Théophile Obenga : Notre couplage avec l’Occident dure depuis le XIII-XIVe siècle. Cela fait donc presque dix siècles que nous sommes ensemble. Nous parlons leur langue, leurs missionnaires ont étudié nos langues, ils sont venus chez nous, nous sommes venus chez eux, etc. Cependant quand nous faisons le bilan de cette longue cohabitation, que retirons-nous de bon ? Nous avons subi une longue traite négrière, il y a eu ensuite la découverte de l’Afrique qu’on a partagée à
Afrik : Ne pensez-vous pas justement que ces chefs d’Etat ont leur responsabilité dans tout cela parce qu’après tout, on ne leur force pas la main ?
Théophile Obenga : J’affirme juste que le « mariage » avec l’Europe n’a rien donné, qu’il faut par conséquent passer à autre chose. Malheureusement, nos dirigeants ne l’ont pas encore compris. Beaucoup croient encore en l’Occident. Ce n’est pas mon cas, je
Afrik : Vous avez également des propos très durs envers le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale ?
Théophile Obenga : Pour moi, ce sont des malfrats. Nommez-moi un seul projet de la Banque mondiale ou du FMI qui a bien marché sur le continent africain ? Aucun ! Le meilleur élève, c’était le président Rawlings au
Afrik : Vous préconisez donc que l’Afrique cesse sa collaboration avec ces institutions comme l’a fait l’Amérique latine. Seulement, il semblerait qu’elle ait peur de ne pas s’en sortir sans elles…
Théophile Obenga : C’est juste une décision à prendre, les autres l’ont bien fait. Ce n’est pas si dur que cela. Seulement une fois que cette décision a été prise, il ne s’agit pas de rester là à jouer au tam-tam. Il faut s’organiser. Dans le cas de certains pays comme le
Afrik : Vous prônez également la Renaissance africaine, le panafricanisme : « le futur de l’Afrique est panafricain », dites-vous …
Théophile Obenga : J’ai constaté en étudiant l’histoire du monde que lorsqu’un peuple a été dans la misère, la souffrance, il cherche souvent à renaître. C’est arrivé au Japon avec ce qu’on appelle l’ère Meiji, en Turquie avec la venue d’Atatürk qui a complètement réformé le pays, aux Juifs avec la naissance de l’Etat d’Israël, l’Europe avec la renaissance européenne initiée par Churchill…Cette renaissance s’impose aussi en Afrique car nous avons subi le malheur pendant plusieurs siècles. Que nous reste-t-il, à part renaître à nouveau, reprendre un nouvel élan, un nouvel essor ? Il suffit de se servir de ses ressources naturelles, son intelligence pour se développer. C’est tout à fait normal si l’on suit l’histoire des peuples.
Afrik : Pensez-vous que cela soit possible à l’heure actuelle ?
Théophile Obenga : C’est tout à fait possible, nous avons tout ce qu’il faut, les cerveaux, l’imagination. Nous sommes largement gâtés par la nature avec les différents fleuves africains, les forêts encore vierges, les animaux sauvages qui n’existent qu’en Afrique, nous avons le sous-sol le plus riche du monde…. On réunit toutes les forces vives de l’Afrique, on fait ce qu’on peut faire pour notre génération. Chacun doit mettre son expérience personnelle et professionnelle au profit du continent. Et s’il y a des obstacles, il suffit de les contourner.
Afrik : D’où la phrase « la diversité culturelle africaine est une force » ?
Théophile Obenga : Bien sûr. L’idée que les différentes ethnies d’un pays ne peuvent s’unir, c’est n’importe quoi. Plus il y en a, plus nous sommes riches. Il suffit d’avoir une bonne méthodologie pour exploiter toute cette richesse. En France, il y a bien des Bretons, des Bourguignons, des Normands, des Picards, ils sont même plus divers que nous. Et comme ils ont l’esprit, l’âme française, ils n’ont aucun problème de cohabitation. C’est ce qui manque au peuple africain.
Afrik : Vous incitez également dès le début du livre, l’Afrique à se tourner vers l’Asie. Pourquoi ?
Théophile Obenga : La Chine ne nous a pas colonisés, nous n’avons pas vécu avec elle pendant des siècles. Ils viennent pour leurs intérêts, ils ont leur paradigme. Faisons affaire, « tu gagnes, je gagne ». Après, il suffit d’être vigilant afin de sauver ses intérêts. Alors qu’avec l’Occident, « c’est je fais, je gagne, si tu blague, je te tue ». Les Chinois n’ont pas tué Lumumba. Voilà pourquoi l’Europe est en train de perdre son pré-carré en Afrique. Ils vont perdre le Soudan où il y a du pétrole, le Niger où il y a l’uranium.
Afrik : Vous finissez le livre sur quelques orientations panafricaines…
Théophile Obenga : Il est important de s’organiser. Par exemple, la jeunesse africaine va se réunir à Bamako et créer un bulletin de liaison de la jeunesse panafricaine, clair et simple que tout le monde puisse lire et comprendre. Un bulletin qui sera aussi diffusé sur Internet et qui informera de l’action des jeunes partout sur le continent africain.
Afrik : Vous travaillez depuis plusieurs années aux Etats-Unis. Pourquoi ce choix et pourquoi pas au Congo par exemple ?
Théophile Obenga : Avant j’avais une grande maison à
Afrik : Qu’espérez-vous concrètement en sortant ce livre ?
Théophile Obenga : Initier un grand débat sur la Renaissance africaine, ouvrir les yeux à cette jeunesse africaine qui accepte par dépit d’aller mourir dans la Méditerranée, et surtout à nos chefs d’Etats.
Théophile Obenga, Appel à la jeunesse africaine, Editions Ccinia Communication, juillet 2007, 19€
Théophile Obenga est en conférence de presse le mardi 31 juillet, à 11h00, au CAPE (Maison de la radio, 116, avenue du président Kennedy, 75016, Paris).
Source:http://www.afrik.com/article12197.html
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