A la Pêche aux Souvenirs:Paï O Madiba!!!
A
Paï O Madiba
Propos recueillis par Martha Dayas-Eyoum, Montage A. N. Mpeke,2007, BNS, TVR.
Jules-Michel Penda (région parisienne) Ngondo à Kribi :
« C'est une photo qui a jaunit avec le temps mais bon Dieu qu'elle est émouvante ! La photo représente l'aube sur la plage de Ngoyè à Kribi. Mon grand père maternel, papa Njoh Koffi nous avait réveillés de bonne heure, mes 2 sœurs aînées et moi afin que nous puissions assister à la cérémonie de descente de la marmite sacrée dans l'océan et écouter, en retour le message des ancêtres.
Toute la communauté sawa s'était pressée ce matin là sur la plage. Les filles et les femmes étaient vêtues du traditionnel Kaba ngondo tandis que les garçons et les pères rivalisaient avec leur sandj'a ngodo.
Mon grand père originaire de Bonapriso Douala était employé aux travaux publics de Kribi. Comme à chaque grande vacance, nos parents nous avaient envoyés à Kribi. J'entrais en classe de CE1 à la rentrée de Septembre 1972 et j'allais avoir 8 ans.
Le meilleur ami de mon grand père, Papa Ngea Ewané bato faisait partie des 3 beyum ba bato chargés de descendre la marmite sacrée dans l'océan. J'étais très impressionné par leur tenue traditionnelle et par la portée de la mission qui leur était confiée.
Après avoir descendu lentement la marmite dans l'océan, à peu près à une cinquantaine de mètres du rivage, ils devaient la remonter au même rythme, suite à un bref séjour sous les eaux, afin de délivrer à l'assemblée du ngondo et au peuple sawa entier présent en cette aube fraîche, le message des ancêtres.
Cette cérémonie est rythmée par les discours des notables (beyum ba bato) puis par des chants traditionnels. Les expressions « Ekw'a moto, Ho ! O tam te ? Njom ? O tam pete ? jom, na njom na wameneeee..." Ou "mboa e jai te na? ke lambo!" introduisent les interventions.
La cérémonie sur la plage se termine par un défilé dans la ville et, l'après-midi a lieu la traditionnelle course de pirogues des différentes composantes du peuple Sawa. Quel spectacle lorsque les vagues sont de la partie !
Oui, c'est fou, ce que cette photo jaunie, peut remonter comme souvenirs au quadragénaire que je suis aujourd'hui. Oui, elle fait partie de mon histoire, de celle de notre peuple et elle fait partie du patrimoine culturel dont mon âme est imprégnée et que nulle force extérieure ne peut détruire. »
Joëlle Esso, artiste (région parisienne) :
« C'est un souvenir d'enfance, à l'époque ça représentait surtout la fête; et une occasion supplémentaire d'aller au village en famille. Je me souviens d'une petite pirogue chargée de victuailles qu'un vieux a poussée sur l'eau; les chants, les danses, et des personnages masqués autour d'un feu le soir...J'avais huit ans.
Aujourd'hui le Ngondo pour moi est surtout l'expression de la culture d'un peuple, les Sawa; la conservation de notre patrimoine et la transmission de notre histoire à nos enfants; ce qui n'empêche pas de faire la fête par la même occasion! »
Patiko, (France) :
« Avec mes souvenirs d'enfants et les récits de ma grand-mère ewodi, c'est la tenue colorée et majestueuse des hommes et des femmes. Les hommes en pagne, chemises, foulards noués autour de la taille et du cou et un chapeau et les femmes en Kaba, foulards, bijoux, pas de chaussures (pieds nus). La marche solennelle et silencieuse de la population vers le fleuve: les chefs, les dignitaires, les hommes, puis les femmes (dans cet ordre).
- Rituels dans l'eau: La descente d'un dignitaire dans le fleuve avec une corbeille pendant 5 minutes, dans un calme et un silence à faire peur. Le grand culte la veille de la cérémonie du fleuve.
A la fin de la cérémonie du Ngondo, il est organisé:
- une course de pirogues que les Ewodi ont toujours gagnée (me disait ma grand-mère). Des luttes traditionnelles .Un grand repas avec élection de
Ce qui m'a fortement marquée, c'est cette descente du dignitaire dans l'eau: c'est un fort moment magique, voire mystérieux. Plus personne ne parle, c'est à peine si l'on respire. Le dignitaire reste 5 minutes sous l'eau avec sa corbeille pour discuter avec les ancêtres. Lorsqu'il remonte à la surface de l'eau, il est muni de sa corbeille pleins de messages des ancêtres et un crabe (symbole de ???)
Le dignitaire (lors de sa descente dans le fleuve), diton, a dans sa corbeille les doléances et les supplications de tout un peuple et d'un pays. A son retour, il rapporte des messages des ancêtres tels que la paix en famille et dans le pays, la prospérité,... Les ancêtres implorent même que les deuils et les maladies s'arrêtent, que les femmes stériles accouchent...
Il faut noter aussi la présence de la sirène que nous enfants appelions "Mami Water" (Mami Wata) ou Jengu.
J'ai eu mes parents ce week-end pour en savoir un peu plus sur cette fête "mystérieuse". Ils m'ont dit que le Ngondo a pris une autre envergure et que les gens y adhérent plus qu'avant surtout avec tous les malheurs, les deuils et autres que l'on rencontre de plus en plus, la pauvreté, la misère, les maladies,...
Le thème du Ngondo cette année est "Paï au Madiba" signifie la pagaie dans l'eau.
Généralement certaines personnes dans leur pirogue ont leur pagaie posée sur les cuisses ou sur le parterre de la pirogue. Pour avancer il faut pagayer, il faut fournir un effort. La pirogue ne peut pas avancer toute seule, il lui faut donc le concours et l'aide des pagayeurs.
En conclusion, Paï au Madiba" veut dire mettre la main à la pâte, avoir la volonté, la détermination, afin de réaliser bon nombre de projets.
Nous de près ou de loin, souhaitons plein succès au Ngondo, longue vie et perpétuité à notre fête traditionnelle. Par cette fête, on concourt au bonheur du foyer, à la paix du peuple, à la diminution des maux de notre peuple. »
Lydienne Ebelle Toubè (Cameroun) :
« Pour moi le NGONDO est une assemblée traditionnelle et coutumière au même titre que le MPOO, le NGOUON, et autre...
C'est-à-dire un organe rassemblant les peuples ayant la même culture et profitant dans ce cercle pour mieux exprimer celle-ci afin de la valoriser.
Pour revenir au NGONDO proprement dit celui-ci rassemble tous les peuples côtiers. Encore appelé SAWA. On peut donc imaginer la force de ces peuples rassemblés en un seul organe. Et qui dit coutumes et culture revient aussi à voir les forces mystiques de tous ces peuples. On voit donc une véritable force, un vrai parti politique regroupant les gens ayant les mêmes idées, les mêmes problèmes et cherchant ensembles des solutions.
Aujourd'hui, les enjeux ne sont plus les mêmes l'association a perdu toute sa substance car l'argent est devenu la principale cible. Nous devons lutter pour le changement des mentalités.
Comme souvenir, l'élection des miss m'intéresse avec toutes les conditions que cela comporte (des jeunes filles qui ont la maîtrise de leur culture)
La veillée de clôture au parc des princes à laquelle je participe toujours comme spectatrice avec des attractions diverses qui révèlent l'identité culturelle du peuple SAWA auquel j'appartiens et dont j'en suis fière bien que la modernité est trait à faire disparaître certaines choses auxquelles tenaient nos ancêtres.
Le message des ancêtres à la clôture aux berges du Wouri est d'une importance capitale pour le peuple qui doit le mettre en pratique pour l'année avenir. »
Coco Mbassi, artiste-chanteuse (Royaume Uni) :
Je n'ai jamais participe au Ngondo. Quand je suis partie du Cameroun les cérémonies du Ngondo ne se faisaient pas (ou plus; c'était sous Ahidjo), et depuis que je vis en France je n'ai jamais participe. Je peux juste dire que je pense que c'est très important pour notre culture de préserver tout ce qui peut la sauvegarder et la faire connaitre a nos enfants, petits-enfants etc. notamment nos langues et
nos valeurs sociales traditionnelles (le respect, la solidarité, le sens de la famille, la propreté, le sens des responsabilités, la place accordée aux anciens etc.)
Par contre la dimension mystique (miengu etc.) et les superstitions et/ou culte des ancêtres sont incompatibles avec ma foi en Christ.
Samuel Nja KWA, journaliste et photographe (Région P.)
Alors le souvenir marquant pour moi c'est la lutte traditionnelle : Esua ou besua, au pluriel. Je devais avoir 10 ou 11 ans lorsque j'y assistais pour la première fois. J'avais un oncle pêcheur qui participait souvent à ce tournoi de lutte. Le but du jeu était qu'à la fin, il n'en reste plus qu'un, celui que personne ne pouvait terrasser, le plus fort.
Je me souviens aussi du rituel qui précédait le combat, qui aujourd'hui ma fait penser au "haka" néozélandais : Les lutteurs se faisaient face et se tapaient sur la poitrine en criant "panga po ni", c'était comme un défi. La foule se mettait alors en cercle, et les combattants étaient au milieu. Ils se battaient à mains nus. J'étais subjugué par la force de ces hommes, mais surtout admiratif de mon oncle, qui gagnait quelques combat. Il fallait soulever son adversaire et le jeter parterre sur le dos. Je n'ai jamais vu de blessés, mais je crois qu'il y'en avait souvent. Je me souviens surtout de cette ambiance festive.
Voilà le souvenir marquant que j'ai du ngondo. La dernière fois que j'y ai assisté, c'était il y a 5 ou 6 ans, et cette fois-ci j'ai été marqué par le plongeur qui au milieu du fleuve Wouri est descendu pendant de longues minutes, faire des offrandes à la déesse des eaux.
Aujourd'hui, le ngondo représente une campagne publicitaire ambulante pour toutes les sociétés présentes au Cameroun : Orange, PMUC, Brasseries etc. Chaque canton est habillé par une marque, d'ailleurs je compte faire un travail photo là dessus !!!
Le Ngondo me semble t-il, n'est pas incompatible avec la foi en Christ, mais je ne peux pas répondre à cette question, car le Ngondo vénère des Dieux (ou divinité), il y a des bénédictions etc., c'est très compliqué. Mais de nombreux Chrétiens y participent....
Laure Enanguè (Cameroun)
Le NGONDO est le cordon ombilical du peuple SAWA. Je participe chaque année à cette fête des SAWA qui a pour moi, une originalité remarquable, surtout au niveau
des couleurs de la tenue traditionnelle sur les B du WOURI, le message des ancêtres dans la vase le thème, la coutume, les danses traditionnelles, les jeux, l'animation, l'ambiance, les foires etc.
Jeanne-Louise Djanga,(Paris) écrivaine-poétesse « Au fil du Wouri » (Juin 2007, l'Harmattan)
Le Ngondo, cérémonie mythique et mystique est aussi importante que le Ngondo, gâteau de pistache qui se déguste lors d'une cérémonie de mariage.
Est-ce un hasard s'ils s'écrivent de la même façon et sont du même genre ?
Même si la magie de la phonétique les sépare, ils font partie d'une même famille au regard du rituel qui les entoure…
Ne pas être convié au Ngondo de la mariée équivaut à se sentir exclu du cercle restreint des intimes ; de même, ne participe directement à la cérémonie du Ngondo que les initiés, les humains capables d'assumer les exigences de l'équilibre entre le spirituel et le terrestre.
Un regard novice retient d'abord le côté festif du Ngondo ; puis l'œil, qui ne sait plus où donner de la pupille, tente de capter les ondes immatérielles, de s'imprégner de l'aura qui accompagne les grandes célébrations, pour enfin s'initier aux messages de ce rite séculaire et à en cueillir quelque enseignement.
Il s'interroge sur le fondement de la vérité et l'historicité des faits : la dualité entre le réel, la norme, l'acquis et le reflet d'un être supérieur, du domaine de la pensée et de l'esprit. Cette recherche perpétuelle de l'équilibre à travers la dimension sociale actuelle, influe sur notre comportement de plus en plus sceptique, une attitude contemporaine qui exige des éléments concrets, qui relèvent de l'empirique.
« Un homme qui plonge dans l'eau avec une cigarette allumée et qui en ressort en soufflant la fumée…
Un humain qui disparaît sous l'eau pendant des jours et qui réapparaît en racontant des histoires d'habitations minérales,…
Des corps de danseurs qui se trémoussent, au rythme du Tam Tam en transe, comme appartenant à un monde parallèle, intemporel… »
Et bien d'autres « légendes » encore…
Le Ngondo a une dimension historique si actuelle qu'elle pose la problématique d'un modèle de référence dans nos sociétés déracinées dont les usages et les traditions vont à l'emporte-pièce…
D'où l'importance…Que dis-je ?
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