Cameroun: Chronique d'une vie de "protecteur"
Cameroun: Chronique d'une vie de "protecteur"
Le Messager (Douala)
4 Janvier 2007
Publié sur le web le 5 Janvier 2007
Source : Indigo Publication
Blaise Bénaé Mpécké, né en 1930 dans le village de Mboa-Manga situé en plein coeur de l'actuelle ville balnéaire de Kribi dans le département de l'Océan (province du Sud), est un Batanga (l'ethnie autochtone de Kribi) issu de la famille régnante du clan Banoh.
Tout puissant chef d'état-major particulier du président Paul Biya depuis 1984, Bénaé est lié d'autant plus étroitement au chef de l'Etat que tous deux sont des membres de la Rose-Croix Amorc. Considéré comme ayant d'importants pouvoirs mystiques, Blaise Bénaé aurait la charge de protéger Biya. Il est d'autre part le chef de file du "clan de l'Océan", qui regroupe, outre les Batangas, des originaires de cette région du groupe Béti, comme Pierre Sémengué (chef d'état-major général des armées), Joseph Owona (ancien secrétaire général à la présidence), et Polycarpe Oyié Ndzié (directeur du courrier présidentiel dont la femme, Marie-Thérèse, a été élue députée en 1997). Ce clan tend toutefois à se disloquer, Bénaé étant en rivalité à Kribi avec un autre natif de cette ville, Samuel Minko, un Béti du clan Boulou.
C'est après la tentative de coup d'Etat du 6 avril 1984 que la légende de Bénaé Mpécké est née. Aux premières heures de l'attaque des mutins, le chef d'escadron Bénaé qui était alors le chef de service des affaires militaires à l'état-major des Forces armées, est le premier à prendre des initiatives pour faire échouer le coup d'Etat. Il installe un Poste de Commandement à Zamengoué, à quinze kilomètres de la ville où se trouvent les installations de télécommunications internationales. A partir de là, il coordonne les actions de contre-offensive. Les autres officiers et le ministre des Forces armées n'arriveront que plus tard. La chronique dit aussi que Blaise Bénaé détenait la clef du bunker du Palais présidentiel dans lequel le président Paul Biya s'était réfugié durant toutes les opérations, tandis que l'épouse d'alors du chef de l'Etat, Jeanne-Irène Biya, et son fils, Franck Biya, s'étaient exilés à Kribi, lorsqu'ils avaient eu vent de la préparation d'un complot.
Le "colon de Chambala"
Après l'échec du putsch de 1984, Blaise Bénaé prend des galons et devient le chef d'état-major particulier de Biya. Toujours à ce poste malgré plusieurs annonces de départ à la retraite, il a bénéficié début 1995 d'une mesure exceptionnelle de prorogation de ses fonctions. Après l'arrestation en juin 1997 de l'ancien secrétaire général à la présidence Titus Edzoa, un grand-maître du Circes (Comité d'initiatives et de réalisations caritatives et sociales) qui s'était déclaré candidat à la présidentielle d'octobre 1997, Bénaé Mpécké voit sa résidence de Yaoundé brûler. Certains attribuent alors cet incendie à un combat mystique entre Titus Edzoa, en prison depuis son arrestation, et Blaise Bénaé, qui serait le bouclier de Paul Biya. Toujours est-il que les Camerounais sont convaincus de sa force occulte.
Blaise Bénaé Mpécké est également tout puissant à Kribi, ville qui va devenir le débouché du futur pipeline pétrolier tchado-camerounais. Il a acheté la plupart des terrains de bord de mer situés autour de sa résidence de Kribi, imposante bâtisse appelée le "Chambala" et qui est surmontée d'un lion en bronze. A Kribi, on l'appelle le "colon", car c'est lui qui prend pratiquement toutes les décisions importantes concernant les autochtones de cette ville océane. Il est si bien intégré dans cette cité qu'il appartient à la classe d'âge dite "Mabembi" qui regroupe les Kribiens qui ont entre 58 et 65 ans. Son influence est d'autant plus forte qu'il est présent dans le secteur des affaires. Il a créé deux entreprises à Kribi : la Société de développement maritime (Sodema), qui gère des bateaux de pêche et qui est dirigée par son fils Martin, et la société Etradi, spécialisée dans le bâtiment et les travaux publics et dirigée par son fils Serge. Ce sont les engins d'Etradi qui aident les exploitants forestiers à entretenir des pistes, et pour les travaux du pipeline, Etradi compte avoir sa part. D'autant plus que ces deux entreprises sont en passe de devenir les premiers pourvoyeurs d'emplois des Batangas.
Sur le plan politique, Bénaé a aussi de l'influence. Son fils, Serge Bénaé (directeur général d'Etradi), a été élu député Rdpc du département de l'Océan à l'issue du scrutin de mai 1997. Les Batangas (qui sont des Sawas comme les Doualas ou les Bakweris) comptent sur la famille Bénaé pour baisser la prépondérance des Boulous à Kribi. C'est ainsi que Samuel Minko, directeur général de la Cameroon Airlines et de la Régie nationale des chemins de fer camerounais est également devenu en janvier 1996 le maire de Kribi, au grand dam des Batangas. Serge Bénaé se positionne déjà pour devenir maire de Kribi en 2001. A 27 ans, ce chef d'entreprise qui est fiancé à Solange Fochivé, une des filles de l'ancien patron de la police politique Jean Fochivé (décédé en 1997), est l'un des deux plus jeunes députés de l'Assemblée nationale. N'ayant pas consulté son père avant de se lancer en politique, il est en train de se faire un prénom. Si en plus, il a le coup de pouce de papa, rien ne pourra l'arrêter.
Blaise Bénaé Mpécké était par ailleurs celui qui a habitué l'entourage présidentiel à la consommation matinale du jus de kinkéliba (porteur de plusieurs vertus dont celle de la virilité). Il meurt à 76 ans.
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