BONA SAWA

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Le “ Ngondo ” et la “ Civilisation de la croix

 

Le " Ngondo " et  la " Civilisation de la croix "

 

Par Charles Moukouri Dina Manga Bell

Le 09-08-2006 

 

Vouloir masquer la réalité historique avec tant de culot sans réagir, est une insulte à l'intelligence et nous rend coupables devant l'histoire de notre peuple.

 

Le processus de " Mise en bière " du " ngondo " a débuté quelque temps avant sa naissance. Il était accompagné par la " culture " de l'esclavage, les velléités de la barbarie coloniale et particulièrement en tant que tête de pont, par la " Civilisation de la croix " ; plus tard, elle devint la " culture de la croix " ; celle qui infiltra toutes nos structures traditionnelles pour les déstabiliser et les aliéner. Méthodiquement, avec patience et adresse, cette nouvelle " culture " imposa ses langues importées au détriment des nôtres qui furent interdites. " Nyambé ", notre Dieu unique, invisible mais tout-puissant, devint suspect au profit de " Dieu de la croix " pourtant très éloigné de notre religion de l'oralité et de nos croyances séculaires.

 

Aujourd'hui, ce processus d'enterrement du " ngondo " se poursuit mais sous des habillages différents ; le " ngondo " se trouve désormais avec le label " assemblée traditionnelle du peuple sawa ".

 

Ça ne veut rien dire, mais ça dit tout !…

 

D'ailleurs ce genre de subtilité intellectuelle n'intéresse plus personne d'autant que la " culture du ngondo " est déjà très acculturée…

 

Peut-être, faudrait-il trouver un exégète qualifié pour nous éclairer sur la racine et les contours du mot " culture " ; nous rassurer si les concepts de " patriotisme " et de " nationalisme " sont des notions de " culture " avérées ne pouvant souffrir le moindre bannissement.

 

Après quoi, plus rien ne s'opposerait d'engager sereinement le " débat de la culture " et de parler en toute liberté de l'inculturation provoquée par la " colonisation civilisée " ; celle qui, officiellement légalisée en novembre 1884 à Berlin, a fait de nous, des " esclaves modernes ", triés dans de vastes " marchés d'arnaque " où la possession du " Nègre " était synonyme de puissance et grandeur civilisatrices…

 

Parler de " culture ", c'est invoquer sans passion ni faiblesses les dégâts en tous genres causés par l'atroce colonisation occidentale dans notre pays ; c'est soulever des tas de questions que nous nous refusons toujours à répondre par peur des représailles de nos anciens maîtres et des potentats, qui nous gouvernent. C'est refuser tout " moutonnement culturel " venu de l'extérieur ; qu'il s'appelle, mondialisation, privatisation ou francophonie ; c'est dire non à la " créolisation " de nos " valeurs éthiques ".

 

A l'époque, il fallait lutter et résister contre l'oppression coloniale ; seul le " ngondo " a semblé être la solution et l'espoir.

 

Parce qu'il symbolisait à la fois " l'ordre " et le " mouvement " pour la recherche d'un consensus social. Le " ngondo " est né de la problématique du Kamerun " !…

 

Hier encore, les " Blancs " de la conférence de Berlin de 1884, ceux d'avant 1815 et même ces drôles de " Blancs " à la peau noire qui s'essayaient à singer leurs maîtres Blancs avant et après 1914, tous avaient le même objectif :

Détruire les " cultures " des peuples du Kamerun ; surtout lorsque nul n'ignore que la culture est l'âme des peuples…

 

Ces " peuples qui refusent de mourir ". En effet, ces peuples qui, dans leur espace mythologique, excluent l'éthique de la détresse afin de perpétuer l'existence et la vie.

 

C'est pourquoi, dans la " problématique du ngondo ", l'identification des faits, quels qu'ils soient doit nous conduire à dégager la puissance étymologique du mot " culture " ; son ethnologie ainsi que son pouvoir réel de concentration des connaissances métaphysiques des valeurs éthiques et morales de notre humanité traditionnelle.

 

Le débat

 

Le Cameroun d'aujourd'hui peut-il véritablement parler du " ngondo " sans avoir préalablement recentrer le débat de son " concept originel " ? En l'occultant, voudrait-on faire croire à l'opinion publique qu'il s'agit là, d'une vétille culturelle sans importance ?

 

La pertinence de cette exigence de clarification nous oblige à préciser sans nuance sémantique, si le " ngondo'a duala " d'avant 1815 s'était constitué sur la base d'un " mouvement " (de pensée) ou d'une (simple) assemblée traditionnelle ? Etant entendu que les deux approches se veulent culturelles et expriment la même préoccupation pour la même " culture "…

 

Afin d'étayer cette ambivalence qui semble fort à propos conforter certains " Mandarins " du " Dimbambé " sceptiques, je voudrais proposer à cet effet deux indications mémorables.

 

D'abord le " repère historique " de la période épique de l'épopée célèbre de la légende de " Malobe et Ngo-Minga " qui participe à l'illustration de l'idée conceptuelle du " ngondo " ; en gestation vers la fin du XVIIème siècle.

Ensuite la matérialisation de la volonté de ce " Mouvement " par la signature de l'acte du " traité du 12 juillet 1884 ". Volonté exprimant une " logique institutionnelle " aux fins de bâtir un peuple et une nation souveraines…

 

Je comprends que la peur des lendemains ait poussé certains à ne plus reconnaître le ngondo comme " gouvernement " du peuple sawa ; lui ôtant ses prérogatives d'autorité et de gestion dans tous les domaines. Tapis dans l'ombre des intrigues et de la médisance, ses détracteurs patentés s'acharnent à lui enlever aussi sa qualité exceptionnelle de porte-fanion du patriotisme et du nationalisme camerounais…

 

C'est pourquoi il ne serait pas vain de savoir ce que renferme l'enveloppe : " assemblée traditionnelle du peuple sawa ".

Est-ce une ineptie de plus ou une provocation-piège ? Pour moi, je crois qu'il s'agit d'une " insulte civilisée " ; hybride et insipide ; renfermant une bonne dose d'inféodation culturelle à la coloniale.

 

Par sa stature légendaire et historique, le " ngondo " d'avant 1815 inquiétait déjà ; mais nous savons également que par son extraordinaire longévité, son rayonnement, sa fibre patriotique et son nationalisme éclairé, le " ngondo'a duala " ne pouvait qu'inquiéter les pouvoirs successifs de la colonisation et ceux issus des gouvernements néo-coloniaux.

 

C'est ainsi que ce " mouvement " patriotique des élites, princes et rois, décida de mettre fin au banditisme ambiant de l'époque ; de codifier et de rationaliser la " pensée " sawa ; et par la suite de dénoncer et de combattre les comportements défaillants et déviants d'une société à la limite de la dérive. Dès lors, la " volonté " collective " de ce " mouvement ", emprunta résolument le cheminement institutionnel aux fins de créer un Etat souverain.

 

C'est ainsi que ce " mouvement " ou " ngondo ", s'assigna par ailleurs des missions de moralisation pour changer les mœurs décadents ; mais initia également des missions spécifiques d'organisation sociale ; d'ordre et de loi ; de liberté et de paix ; de justice et de sécurité ; de développement et d'émancipation des " sujets "…

 

Pour la toute première fois, on vit apparaître une " logique d'engagement " porteuse d'autorité et de discipline ; une " logique " idéologique et patriotique ayant des objectifs clairs et précis, confectionnés par une méthodologie propre, appliquée et patiente ; résumant un " idéal " de vie ; lequel idéal pour survivre, se devait un entourage de structures institutionnelles primaires certes, mais égales à celles de tout " gouvernement " légitime soucieux des populations et de ses intérêts publics.

 

C'est ce qui me fait dire que le " ngondo " pouvait ressembler à tout, sauf à ce " conglomérat " d'ambitieux et de prétendants aux postes juteux du pouvoir ; ces déviationnistes culturels et ces chantres de la falsification de nos us et coutumes, regroupés de gré ou de force au sein de cette fameuse " assemblée traditionnelle du peuple sawa "…

J'avais enregistré dans ma mémoire que le " ngondo " de nos ancêtres était bel et bien un mouvement patriotique ; un " gouvernement " destiné à servir le Kamerun ; et non cette " chose " anonyme " d'assemblée traditionnelle ", conçue (peut-être) pour se servir du Cameroun…

 

La force éthique du " ngondo ", sa structuration sociale et la qualité des hommes chargés de le conduire faisaient de lui un " monstre de conquête " qui ne pouvait que faire peur…

 

Dès lors, le " ngondo " fut intensément persécuté, inquiété et marginalisé ; discrédité et enfin interdit, par qui vous savez…

 

Parlons peu, parlons bien !

 

Ce " ngondo " fit si peur qu'à sa renaissance, à tort ou à raison, et par précaution, on ne pût l'envelopper que sous un manteau lourd, étroit et sans valeur culturelle…

 

C'est pourquoi aujourd'hui nous suivons le mouvement et nous nous contentons docilement de l'appeler : " assemblée traditionnelle du peuple sawa "…

 

Fort heureusement, puisqu'il faut le dire, le président Biya, dans sa lecture du temps, comprit vite l'intérêt qu'avaient le Cameroun et son " Renouveau " à faire revivre le " ngondo " dans son " concept originel "…

 

C'est ainsi qu'à sa manière, pour " refonder " ce " concept ", le réhabiliter et le rétablir dans tous ses droits, ils prit l'acte majeur en faisant de Rudolf Duall'a Manga Bell et Paul Martin Samba des héros nationaux…

 

Toutefois, soulignons que malgré lui, l'acte du président Biya qui se voulait " culturel ", s'est retrouvé confortablement assis dans des domaines dits paradoxaux de la politique, de l'histoire, du social voire de l'économie.

Ce qui m'autorise une fois de plus à demander à nos " mandarins du Dimbambé " qu'elle est donc leur perception de la " culture " ? De quoi ont-ils peur ? Et pour les rassurer d'ajouter que : " la " culture " est fondamentalement d'essence bâtarde et par conséquent il n'y a aucune raison d'occulter les autres disciplines en la circonstance…

 

L'"affaire ngondo", puisqu'il faudra l'appeler ainsi, ne sera certainement pas une légende mais une très belle " aventure littéraire " qui alimentera pendant longtemps, nos esprits et plusieurs pages de l'oralité africaine.

De cette complexité culturelle, naîtront de nouveaux critiques littéraires mieux armés et plus expérimentés, capables d'expliquer pourquoi notre dialectique culturelle a besoin des concepts de patriotisme et de nationalisme pour être complète et performante.

 

Même si aujourd'hui encore quelques rares incultes s'ingénuent à trouver des " cultures de substitution " au " ngondo " ; honnêtement je crois que le " ngondo " de nos ancêtres qui procure à tous et à chacun la passion du sol, de la patrie et le droit d'espérer ne s'éteindra pas de ces basses manœuvres de dévalorisation…

 

Ces " cultures champignons " qui naissent par " scissiparité " et pour cause, dans nos villages n'ont rien de comparable au " ngondo " ; si ce n'est sa dimension folklorique. Par contre, presque toutes germent et fécondent avec des embryons de tribalisme laissés par nos anciens " maîtres ".

Ces " cultures villageoises " se ressemblent et portent en elles, la " logique des races " pratiquée avec brio et complaisance du temps de la colonisation ; " Aberration culturelle " ignoble, cruelle et ségrégationniste qui consistait à porter sur nos actes de naissance et cartes d'identité la mention : race Bulu, race Duala, race Ewondo, race Bassa, race Bamiléké, race Haoussa et j'en passe !… Ainsi, la provenance géographique ou l'origine ethnique de chacun, symbolisait sa nationalité. Bref, cette " logique des races " qu'on habille aujourd'hui autrement, conserve pleinement sa totale malédiction.

 

En aucun cas, le " ngondo " valeur de rassemblement et de " culture " plurielle, ne peut être comparé à ces " attroupements saisonniers " de " fêtes campagnardes ", ou ressembler à un vulgaire " fourre-tout associatif ", folklorique sans objet et sans destination ; totalement dévoyé pour avoir abandonné à d'autres sa souveraineté intellectuelle, son patriotisme et son destin…

 

C'est pourquoi, il faut d'abord établir la réalité des faits qui voudrait que le " ngondo ", valeur culturelle multi-dimensionnelle, ait été généré par la " problématique du Kamerun "…

 

D'ailleurs, c'est à partir de cette précision que le mot " culture " lui-même, dans ses fondements requiert sa spécification et sa dimension plurielle ; parce qu'issue des profondeurs sociologiques auxquelles appartiennent des peuples non homogènes par l'histoire, la géographie et les mœurs. Procurant cependant, au " ngondo " et à son peuple sawa, l'imaginaire de son " concept culturel ", large et profond ; au sein duquel l'amalgame et les comparaisons hâtives ou automatiques sont suspects ; d'autant que le mot " culture " peut avoir une perception différente en fonction du pays ou de son espace de civilisation ; c'est pourquoi le " ngondo " n'est pas nécessairement le carnaval de Rio ; mais, comme " culture ", ressemble à un langage codé qui s'identifie par son " timbre " particulier…

 

La notion de " culture " est si vaste qu'on la croirait infiniment immense. Lorsque les " nganga " des pays de l'eau ; ceux appartenant aux peuples de l'oralité africaine, ceux du Golfe de Guinée et plus particulièrement ceux du peuple sawa de la côte Atlantique parlent de " culture ", ils évoquent essentiellement la " vie ", la vraie vie. Celle contenue dans des pôles majeurs qui préfigurent la " loi de l'existence ", à savoir : le " droit à la vie " et " la vie du droit " ; le théorème et son corollaire…

 

Chez les " nganga " (initiés), parler de " culture ", c'est parler de la " trilogie de l'existence " ; celle qui consacre la relation entre Dieu, l'homme et les divinités ; c'est faire appel à l'espace de convergence et de concentration du dialogue des cultures et celui des connaissances ; le lieu de rencontre et de production des activités intellectuelles de tout ordre ; là où siège " le mystère de l'humanité " afin de rendre les ultimes arbitrages sur la vie et la mort de la vie.

C'est à partir de cet instant que la " loi de l'existence " ou de l'humanité, répartie en deux pôles de puissance, soumet à son autorité, le cosmos des astres et l'univers des espèces vivantes. " Nyambé " étant l'unique " censeur ".

 

Très simplement, soulignons que :

 

1- Le pôle du " droit à la vie " correspond (au théorème), à la notion de droit qui voudrait que toute espèce humaine accède à la (vie totale), sans restriction quelconque en dehors des prescriptions de la " loi de l'existence " qui condamne toute discrimination, aliénation humaine contraire à l'éthique des valeurs et morale.

 

2- Le pôle de " la vie du droit " par contre, organise et met en place les structures permettant à la " loi de l'existence " d'évoluer dans un cadre idéal. Ce pôle est le corollaire du précédent pôle et explicite la nécessité d'avoir des règles éthiques et morales capables de symboliser toute la panoplie juridique aux fins d'encadrer le " droit " du droit à la vie de toute espèce vivante.

 

C'est pourquoi cette connivence dogmatique dans l'inséparabilité des pôles, fonde notre " expression culturelle " ; notre concept culturel et le " ngondo " de la culture sawa. Ce qui explique par ailleurs que la perpétuation de la vie à travers la " loi de l'existence " s'opère de façon acyclique entre ces deux pôles…

 

A suivre...

 



09/08/2006
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