BONA SAWA

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JEAN JACQUES EKINDI: L'UN DES ESPOIRS POLITIQUE DU CAMEROUN

Jean-Jacques Ekindi ne veut pas mourir
Jacques Doo Bell

Depuis sa fracassante démission du Rdpc où il était quand même président de la grande et prestigieuse section départementale du Wouri en 1991, Jean-Jacques Ekindi, président fondateur du Mouvement progressiste demeure dans le collimateur de ses anciens camarades. Mais…



Tête de liste du Mouvement progressiste tant aux législatives qu'aux municipales du 30 juin à Wouri-Centre et Manoka qu'à la commune urbaine d'arrondissement de Douala Ier, Jean-Jacques Ekindi et son parti n'ont pas échappé au sort machiavélique que le Rdpc et les sous-préfets ont bien voulu soumettre leurs principaux challengers. En attendant de voir la suite qui sera réservée à sa requête déposée le 4 juillet dernier à la Cour suprême, le président du Mp reste un homme serein, bien que lessivé matériellement par une carrière politique qui a bien mordu en 1986 lorsqu'il a remporté haut la main l'élection à la présidence départementale du Rdpc devant des caciques tels Christian Tobie Kuo, Koloko Levi et d'autres.

A 41 ans, le brillant polytechnicien, diplômé aussi de l'école des mines d'Arles, était promis à un bel avenir. Surtout qu'il passait à tort ou à raison pour un fer au feu pour le parti au pouvoir face à une opposition naissante et dont la légion la plus importante était le Social democratic Front du très populiste Ni John Fru Ndi. L'Upc, sortant de la clandestinité tentait lui aussi de se donner une nouvelle jeunesse. L'Undp de Samuel Eboua se consolidait avec une brochette de hauts fonctionnaires et hommes d'affaires qui n'entendaient pas marcher avec Paul Biya pour des raisons diverses. Me Yondo Mandengue Black venait de payer en 1990 le tribu de l'ouverture démocratique inspiré par le vent d'Est.

C'est dans cette effervescence que le président départemental du Rdpc du Wouri qui avait pourtant, sous l'inspiration de feu Luc Loé, alors gouverneur de province, dit-on, pris la tête d'une marche pour condamner l'initiative de Me Yondo et de ses compagnons. Lorsque Jean-Jacques commence à hanter les milieux de l'opposition, il n'est pas accueilli à bras ouverts. Son passé de contestataire qui lui vaudra un séjour dans les tristes geôles de la brigade mixte mobile de Jean Fochivé ne lui attirera pas de circonstances atténuantes. Mais pour ses proches, l'homme avait mûri la réflexion, sa décision aussi. Le 21 mai 1991, le président de la section pilote de Rdpc passe à "l'ennemi", crée le Mouvement progressiste (Mp) et se fait chasseur du "lion" lors de la présidentielle de 1992.

Mais ses attaques personnelles contre un veuf qui aurait sacrifié son épouse pour les besoins de la cause lui aliènent quelques sympathies. Commence alors pour lui une longue traversée de désert. Il y laisse tout son saint frusquin. Mais ne manque pas de ressources à chaque échéance politique pour solliciter les suffrages de ses concitoyens tant aux législatives qu'aux municipales. En 1996, il obtient 4 sièges aux municipales. Pour beaucoup, Jean-Jacques Ekindi est un homme fini. On a du mal à le reconnaître dans les rues grouillantes de Douala, battant la semelle de ses babouches sur les trottoirs poussiéreux, la tête à l'abri d'un chapeau de paille à larges bords.

C'est encore dans la même attitude qu'on l'a vu récemment dans les rues de Douala distribuant sa profession de foi : son programme de maire et parlementaire. "Je me suis présenté à vous tel que je suis, avant que je ne vous expose les thèmes de ma campagne électorale et ce que je veux pour ma ville et mon pays" dit-il à ses concitoyennes et concitoyens.

Un message en 4 temps

Un message dont on aurait pu mesurer la portée dans un environnement socio-politique et électoral normal. Malheureusement noyé dans le flot de Charters et des votes multiples qui anéantissent la raison d'être des consultations populaires. Contraire-ment aux assertions de ses détracteurs, ce n'est pas parce que Jean-Jacques Ekindi aura marché contre "les Bamiléké" en 1996 qu'il n'aura pas été maire de Douala Ier ou qu'il ne sera peut-être pas élu député. C'est tout simplement parce que le pouvoir a du mal à tolérer à la tête de la communauté sawa quelqu'un qui n'est ni une fabrication du régime ni n'en a la caution, l'onction. On lui préfère des individus sans culture politique, des distributeurs de riz, de sardine, de billets de banque occasionnels, des vendeurs d'illusion, …

C'est ainsi qu'il faut comprendre la sortie de Françoise Foning le 8 juin 2002 lors du lancement de la campagne du Rdpc. Comme à l'accoutumée, la volubile présidente de la section Rdpc Wouri V et tête de liste aux législatives et municipales de Wouri Est a expressément demandé à ses "frères Duala" de ne pas se tromper, de "voter utile". Pour elle, très naturellement, le bon choix c'était Edouard Etondè Ekoto. Le candidat qui semble faire le plus peur au Rdpc c'est le polytechnicien Jean-Jacques Ekindi.

Le même jour dans la matinée, il lançait lui aussi sa campagne par un cérémonial peu ordinaire pour une élection. Accompagné de son épouse et d'un carré de fidèles, Jean-Jacques Ekindi a fait le tour des caveaux de son père Joël Diyoh Ekindi, des grands chefs des cantons Deido, Akwa et Bell ainsi que celui de l'ancien maire de Douala IIe Fampou David-Dagobert. Le candidat du Mp aux législatives à Wouri-centre et aux municipales à Douala Ier a présenté ce cérémonial comme "une veillée d'armes" destinée à lui donner de la contenance avant les joutes électorales.

L'onction des patriotes défunts

On retiendra de cette tournée des caveaux royaux qu'un seul lui aura été accessible. Celui de Rudolf Douala Manga à quelques mètres de l'ancien Palais de Justice de Bonanjo. Celui-là même qui fut pendu par l'administration coloniale allemande en 1918. A Bonatène comme à Bonélèkè, Jean-Jacques et les siens ont trouvé chaînes et cadenas à l'entrée des mausolées de Epée Ekwalla Eyoum'Ebellè et de Dika Mpondo. Ce n'est pas qu'on a refusé l'accès de ces lieux au candidat Jean-Jacques Ekindi. Il a avoué au Messager qu'il n'a formulé aucune demande en direction des chefferies traditionnelles concernées. "C'était pour moi une opération personnelle qui entre en droite ligne de nos traditions," a-t-il confié au Messager.

Mais, il n'est pas évident qu'une telle demande aurait pu être reçue favorablement quand on connaît l'engagement des chefs traditionnels sawa derrière le Rdpc. Ceux-là même qui avaient intronisé Ebenezer Njoh Mouellè alors Sg du Rdpc sous le "bongongui ba Bèlè" à Bonabéri et qui ont reçu Paul Biya dans les eaux aujourd'hui polluées du Mbanya. Mais Jean-Jacques se montre plutôt tolérant envers ces "monarques dévalués, instrumentalisés par l'Etat et le Rdpc qui en ont fait les auxiliaires de l'administration. Encore que beaucoup d'entre eux ont des préoccupations de subsistance au quotidien et ont besoin du secours du régime et d'affiches pour survivre".

Devant le mausolée de Douala Manga, le candidat du Mp a tenu les propos suivants : "Toi qui as tout sacrifié, jusqu'à ta vie, pour la liberté de ce pays, voici donc ton sabre à terre. Il faut des mains fortes pour le ramasser. Dans les mêmes circonstances que David a combattu et terrassé Goliath, me voici donc avec la même détermination pour affronter les puissances multiformes…"

Au cimetière du bois des singes et devant la dalle nue qui attend la pierre tombale du regretté Fampou David-Dagobert "le patriote qui a combattu le bon combat", Jean-Jacques Ekindi a rappelé que le défunt lui avait dit de prendre la mairie de Douala Ier car il ne voyait personne à ce moment susceptible de le faire avec bonheur.

Le "railleur" comme le qualifie Mme Foning qui n'arrive pas à prononcer le mot traître vient une fois de plus voir sa détermination se heurter sur le rouleau compresseur des fraudes du Rdpc. Il en tire les leçons : "Interloqués par ce résultat hors norme, nous avons pris le temps de réfléchir, d'interroger tous les procès-verbaux, d'interroger les électeurs et d'évaluer d'un œil critique l'ensemble du processus électoral depuis la convocation du corps électoral jusqu'au dépouillement.

Nous avons été saisis de vertige en découvrant non seulement l'ampleur de la fraude, mais également la sophistication du système, car il s'agit d'un véritable système dans lequel le Rdpc, l'administration et l'Onel sont des acteurs de premier plan."

Pour l'avenir, le président du Mp estime que : "La balle est dans le camp du président de la République, Monsieur Paul Biya, garant de la constitution, et premier responsable de la concorde nationale et de la paix civile dans notre pays. Il est essentiel que le président de la République veille tout particulièrement à ne pas se faire déborder par Monsieur Paul Biya, président national du Rdpc, qu'il ne se laisse pas assourdir par les bruyants cris de victoire des thuriféraires de son parti. La situation que traverse le pays est très critique et pourrait nous conduire à la catastrophe."

Le pire est possible

Jean-Jacques Ekindi voit le Cameroun en roue libre sur une crête escarpée, sans parlement depuis le 17 mai 2002. Il exprime ses appréhensions : "que le pays s'embrase dans ce contexte-là, le pire devient possible et dès lors, le chaos n'est plus loin. Sur la base de ce que nous avons vu à Douala Ier, si les mêmes méthodes et techniques ont été utilisées dans l'ensemble du pays, l'opposition, écartée sans vergogne et illégalement des mairies et de l'assemblée nationale ne peut accepter ce coup de force du Rdpc pour nombre de raison au rang desquelles :

1. Le refus catégorique de voir le pays évoluer inexorablement par des techniques mafieuses vers un régime politique à la fois de parti unique et de parti-Etat.

2. Le rejet ferme et sans appel de la tentative de confiscation par le Rdpc de l'espace politique nationale. La volonté du Rdpc de dépasser l'hégémonie pour attendre le monopole de l'expression politique dans le pays tout entier à l'exception d'une ou deux poches est inacceptable.

3. Le viol constant et systématique de toutes les lois et règles, fussent-elles constitutionnelles par le Rdpc a fini par convaincre l'opinion en général et les partis politiques en particulier que c'est exposer le Cameroun aux périls du totalitarisme le plus abject que de prendre le risque de permettre que siège cette assemblée monocolore à l'assaut de laquelle se sont lancés des hommes de sac et de corde. Ce qui leur a été demandé pendant toute la campagne, ce n'était pas d'élaborer, de convaincre, mais de trafiquer, d'intimider, de corrompre et de frauder, forcément, leur prétendue victoire ne peut être que celle de la fraude, de la corruption et de l'achat des consciences."

L'opposition reste l'espoir

Après avoir peint ce sombre tableau, Jean-Jacques Ekindi estime que l'opposition patriotique et démocratique reste le seul espoir pour sauver le Cameroun et, pour ce faire, elle doit serrer les rangs pour livrer bataille. Pour le Mp et son leader, "des élections frauduleuses doivent être annulées et si le Rdpc prend devant les Camerounais et devant le monde, la responsabilité d'assumer toutes les conséquences qui pourraient survenir en maintenant ces députés et ces conseillers élus frauduleusement, il l'assumera devant le Cameroun et devant l'histoire.

Dans tous les cas de figure, il faut que le président Biya négocie avec les partis politiques pour assurer la transition en attendant l'organisation de nouvelles élections qui ne seront plus exclusivement confiées à l'administration qui a montré son incapacité à s'émanciper de la tutelle du Rdpc. Cette négociation nous semble extrêmement urgente car, de toute évidence, le temps presse et si nous de l'opposition n'avons aucun signal clair du pouvoir, nous passerons à l'action, la survie démocratique du Cameroun est malheureusement à ce prix.

Voilà dix ans que l'opposition montre quotidiennement combien elle est responsable et combien elle aime notre pays. Il ne faut pas la pousser à bout. Il faut annuler ces élections, négocier, et réconcilier les Camerounais, c'est encore possible".

Il va sans dire que devant l'arrogance du président national du Rdpc et de ses camarades, de plus en plus méprisants devant une opposition en proie à des querelles de leadership, les injonctions de Jean-Jacques Ekindi ne seront que celles du prophète qui annonce l'apocalypse à une bande d'impénitents jouisseurs. Quitte à ce que la barque chavire. Dans un canton de Douala, la devise dégage des relents de piraterie. Le Rdpc ne voit pas moins la gestion du pays sous le même prisme.

http://www.wagne.net/messager/messager/1384/ekindi.htm



22/06/2007
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