BONA SAWA

BONA SAWA

EKANE ANICET AUX ABOIX.

Ouvrez la cage
Par Anicet EKANE
Président du Manidem

Dimanche dernier à Douala, les chefs traditionnels et les élites sawa du Wouri ont organisé une manifestation de soutien à la candidature de Paul Biya. Pour le faire, il a fallu qu’un ancien délégué du gouvernement, se serve de la cérémonie de consécration d’un chef pour tenter d’enrôler les Sawa dans une vaste opération d’escroquerie politique.


Il s’agissait de proclamer haut et fort que le destin des Sawa du Wouri ne peut se construire qu’entre les mains de l’actuel chef de l’Etat.
“Pour que Douala reste Douala (il ne s’agit plus des Sawa) il faut que chacun reste à sa place tout en étant à l’aise chez nous”, affirment donc les élites sawa du Wouri. Une allusion, à peine voilée, à toutes les autres populations kamerunaises, parties intégrantes de la métropole économique du Kamerun, qui, pour ces intégristes sawa, ont envahi leur terre.

Une logique d’épuration
Tout le monde a encore en mémoire les marches de certains Sawa du Rdpc, auxquels s’étaient joints d’autres leaders des partis dits de l’opposition. Ce qui s’est passé dimanche, à Douala, s’inscrit dans la logique du fameux “Kod’a Mboa sawa” qui avait pour objectif de “bouter hors du terroir sawa du Wouri”, tous les autres Kamerunais, spécialement ceux originaires du Grand Ouest. Ce n’est donc pas étonnant que de minables opérations qui s’apparentent aux épurations ethniques d’origine nazie, puis balkaniques et rwandaises, resurgissent de temps à autre dans cette ville.
En 1996, nous avons été les seuls au Manidem à réagir, avec toute notre énergie, à ces stratégies minables d’hommes politiques et d’élites dépassés par les événements et incapables de penser un Kamerun d’avenir. Un Kamerun nouveau dans lequel s’enracine une nouvelle tradition démocratique, le Kamerun de demain dans l’intégration et la concorde, celui dont rêvent tous les Kamerunais de bon sens et surtout celui que nous devons laisser aux générations, futures. Nous avons à cette époque, crée “Vivre ensemble”, une association qui fait la promotion de l’intégration. L’incantation à souhait vers le repli, le repli tribal et ethnique, n’est certes pas, l’apanage des seuls Sawa, soient-ils du Wouri ou non.
Toutes les élites du Rdpc se sont données le mot pour une course folle derrière la candidature de Paul Biya. L’aspect spécifique de la démarche des Sawa du Wouri est que cette revendication de repli identitaire a lieu à Douala, la grande métropole cosmopolite du Kamerun, le Kamerun en miniature ; une ville où l’on devait au contraire, promouvoir l’intégration, la tolérance et la concorde. Il y a danger.
Surtout lorsque des ministres de la République, des généraux de l’Armée nationale, les gouverneurs et préfets de la République apportent leur caution à une Assemblée dangereusement intégriste, sectariste à l’extrême, qui ne s’est même pas gênée pour exclure tous les autres cousins sawa : ceux du Sud-Ouest, de l’Océan, du Moungo, du Nkam, de la Sanaga maritime. Je suis outré, le Manidem est outré et tous les patriotes doivent être outrés et le faire savoir d’une façon énergique, sans ambages, pas à demi-mot, dans des déclarations sibyllines uniquement destinées à se dédouaner. Mieux vaut ne pas choquer d’éventuels électeurs intégristes, n’est-ce pas.
L’opinion publique est importante, certes. Mais faut-il automatiquement la suivre ? Cela ne peut être la règle pour un parti de progrès, encore moins pour un parti de gauche.
Je suis Sawa par mes parents, mais aussi par ma culture ; c’est-à-dire justement ce que cela comporte d’esprit d’ouverture, de convivialité et de tolérance.
Je suis donc d’autant plus à l’aise pour pourfendre ces politicards en kabas et en pagnes, que nous avons par le passé, formulé la même opposition farouche aux autres élites du pays (intellectuelles, financières ou religieuses) qui entonnent l’hymne tribal pour faire la politique.

Mépris pour le grand peuple sawa
Voilà donc une décision, concoctée dans les salons douillets des élites sawa du Wouri, qui, d’après ses promoteurs, encagent tous les Sawa. Ces messieurs et dames, savent-ils ce que pensent les pauvres Sawa, écrasés par la crise économique, le chômage, le manque d’infrastructures scolaires et sanitaires, et vivant dans les marécages nauséabonds de la vallée de Bessenguè à Douala ? Ces Sawa-là, lient-ils leur destin à la réélection de Paul Biya qui doit donc “aider les sawa” à se débarrasser les “allogènes benskineurs” qui sont responsables d’insécurité à Douala ? Si les Sawas du Wouri se targuent d’être les pionniers de la “civilisation”, ils portent donc une responsabilité historique pour renouveler, le débat politique. Ils doivent ne pas céder à la dérive intégriste qui pourrait conduire à toutes les compromissions, y compris celle de s’allier, un jour, au pire des dictateurs pour implorer sa protection. Nous n’avons pas oublié que certaines élites sawa ont applaudi au bannissement du Ngondo par Ahidjo, d’autres n’ont même pas osé la moindre désapprobation, la société sawa a développé des comportements que les sociologues attribuent au propre des sociétés acéphales. Tout le dynamisme des Sawa s’est construit autour de cet esprit d’initiative et d’entreprise, avec une liberté de ton largement reconnue.
Comment imaginer donc ce retour en arrière que prônent ces apprentis épurateurs ethniques, alors que le Kamerun est dans l’ère de la démocratie et de la liberté ?
On ne peut pas être les pionniers, il y a un siècle et refuser de devenir les pionniers de la démocratie, en s’alignant sur les stratégies obscurantistes d’une époque révolue.

Libérer le débat politique
La politique du pays doit sortir  des cercles et des carcans tribaux et ethniques. Je mesure bien que cette thèse va à contre courant des vents dominants qui convergent aujourd’hui, par élites interposées, vers les ethnies et les régions. Le processus de formation d’une nation est long, très long. Une raison supplémentaire pour éviter de le vicier par des retours en arrière.
La démocratie est bénéfique pour notre société. Elle ne résoudra point tous nos problèmes. Loin s’en faut. Elle est pourtant la seule voie pour mettre fin à la confiscation des richesses nationales par un petit clan transethnique, pour permettre l’épanouissement des divers groupes ethniques, pour développer l’économie.
70 % des Kamerunais ont moins de 30 ans. Et la majorité d’entre eux, en âge de travailler, est au chômage. Pour leur ouvrir de véritables perspectives, il faut libérer le débat politique.
Ouvrez la cage de la liberté au débat politique au Kamerun !

Source Le Messager.



04/08/2007
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