RICHARD BONA,SANS FACONS...
Source Mutations
par Gango gervais
Spectacle époustouflant. Belle qualité d'un jeu porté par un son tel qu'on en écoute souvent ici. Accords pointilleux et la sensation d'une symphonie savamment orchestrée.
- Qu'est-ce qui n'a pas marché vendredi dernier 28 novembre à votre spectacle
Tout a bien. Marché. Qu'est-ce qui n'a pas marché ? Les mêmes choses qui ne marchent jamais
Il y a chez vous une telle obsession de la perfection que votre réponse serait difficilement acceptable. Un moment, sur la scène, vous vous êtes retourné ...
C'est vrai que je me suis retourné à un moment. Quand j'ai regardé derrière, c'est parce que je m'étais trompé en plus. Je me suis retourné pour m'excuser. J'avais le pouce pointé vers le bas. C'était pour dire que je m'excusais
A quel niveau avez-vous situé votre rencontre avec ce public qui vous accueille après la sortie récente de votre troisième album?
Il faut demander au public
Est-ce qu'il y a eu communion?
Moi j'ai communié. J'étais content. J'étais cependant un peu déçu que la Cameroon music quelque chose? Ccc je crois?
Vous parlez là d'une marque de savon…
C'est pareil. Ccc ou Cmc. Je voulais parler de la Cameroon music corporation. J'étais un peu déçu du fait qu'on m'annonce que cette nouvelle structure vienne me demander de l'argent juste avant le concert. Cela m'a attristé parce qu'ils ne m'avaient jamais contacté officiellement avant. Ils sont venus faire du racket juste avant le spectacle. Ce que j'ai trouvé maladroit. Quand je vais au Japon, la société de droits d'auteur m'envoie une lettre de bienvenue et se préoccupe de savoir si elle peut me venir en aide. A la Sacem, je suis toujours le bienvenu. Chez moi, quand j'arrive pour un spectacle de charité en plus, on me dit qu'on va sceller la salle si je ne paye pas. Quand on vient jouer chez soi, ça ne me fait pas mal parce que je m'en fous à la limite. Ce n'est pas à cette occasion que je gagne ma vie, je ne pense pas à en gagner. Le plus important est dans la manière. Quand on monte une société, la première chose à faire c'est d'être respectueux et d'apprendre à respecter les artistes. C'est comme cela que les artistes gagnent leur pain. C'est comme cela que la société existe. Personne n'est venu me voir pour me souhaiter la bienvenue. Personne. Lorsque je les ai vus, c'est quand ils sont venus me demander de l'argent. C'est quoi la différence avec la Socinada ? Rien. Rien du tout. J'ai appris qu'ils se sont battus ici pour des postes. Depuis quand un artiste gère-t-il les droits d'auteur ? On n'a jamais vu cela nulle part ailleurs. Depuis quand un artiste gère-t-il les droits d'un autre artiste ? A supposer qu'il y ait un problème de concurrence? Je vous laisse imaginer ce qui peut arriver. Les droits des artistes ne doivent pas être gérés par d'autres artistes. Mais quand est-ce qu'ils vont aller faire de la musique, ces gens-là ? Nous sommes des musiciens. Nous ne sommes pas des fonctionnaires. On a ici au Cameroun une école d'administrateurs civils. Il y a une école d'ingénieur et j'en passe.
Nous nous étions promis de parler de musique.
Tout cela c'est de la musique aussi. Il y a un environnement. S'il n'est pas sain, il ne peut pas y avoir de musique. Si on parle de scène, je mets toujours un point d'honneur pour que ces instants soient des moments uniques. Que tout soit net et réglo. Si je n'ai pas la certitude que tout se passera bien, je ne monte jamais sur scène. Ce dont je parlais tout à l'heure, n'est pas important. Mais si l'on veut une bonne Cameroon music corporation, il faut que les gens en fassent une société respectueuse de tout le monde, du plus petit artiste au plus important
Vous parlez de respect comme si vous vouliez conforter la thèse de ceux qui pensent que le respect a complètement foutu le camp sur la scène artistique camerounaise. L'autre soir, vous avez rendu hommage vibrant à Jacob Desvarieux, Francis Bebey ?
Il faut leur rendre hommage. Ils ont bercé nos coeurs. C'est par-là que commence le respect. Francis Bebey, Eboa Lotin, Jean Bikoko, Kollo Sadrack; et pas mal d'autres. Leur rendre hommage c'est aussi jouer leur morceau de temps en temps. Il faut avoir l'humilité de dire aux autres qu'avant soi il y a eu des gens. C'est important. Nous même nous ne sommes rien s'ils n'avaient pas existé. C'est cela le message que je veux faire partager aux gens lorsque j'interprète ces gens-là. Il faut avoir le courage d'apprendre et d'éduquer le public. Le public camerounais a l'habitude d'une certaine musique. Il y a une génération qui arrive et qui fait autre chose. C'est normal. Il faut seulement tout faire pour que ces différents courants se rencontrent. Et c'est la responsabilité de chaque musicien camerounais
Le public dont vous parlez vous déroule le tapis, vous aime et vous célèbre comme on le fait pour les chefs d'Etat…
Cela me flatte mais je ne peux pas me contenter de cela. S'il aime Richard Bona, c'est qu'il est capable d'en aimer d'autres. Il faut simplement lui donner des raisons d'aimer. Il faut agir. Il faut faire des choses. C'est un peu comme le sida. On croit que tout le monde est au courant. Il faut continuer à sensibiliser les gens, à leur parler
Si nous parlions d'amour, c'est que nous voulions évoquer ces voix qui sont avec vous en musique mais qui vous voient très peu au pays.
Les gens, s'ils veulent que je vienne, savent comment s'y prendre. Le Pmuc l'a fait la dernière fois. Le Lions Club le fait aujourd'hui. Il n'y a pas trente-six façons de me faire venir ici. Dès lors que l'organisation est sérieuse, il n'y a pas de problème. J'ai un planning hyper serré. Je voyage avec dix personnes. Je ne peux pas m'amuser à les embarquer dans des aventures foireuses
Nous restons dans le domaine des relations pour tenter de comprendre quelle est la nature des rapports que vous entretenez avec les bassistes et musiciens camerounais et africains en général.
Moi je dis plutôt africains en général. Je viens d'inviter Salif (Keita, ndlr) pour mon dernier album. Je viens de jouer dans l'album de Koko Mbassi. C'est une relation que je pense magnifique. Même quand on n'est pas ensemble, on a des relations amicales comme c'est le cas avec Etienne (Mbappè, ndlr), Guy (Sanguè, ndlr), Armand (Sabal Lecco, ndlr) et consorts. Ce sont les gens que je ne vois malheureusement plus beaucoup. J'habite les Etats-Unis et eux ils sont pour la plupart en Europe. En France, je vais 3-4 fois seulement dans l'année. Les gens sont souvent occupés. Mais quand on a du temps, on s'appelle et on se voit quand c'est possible.
Vous dites qu'il n'y a pas de conflit de leadership entre vous ?
D'où est-ce que vous sortez cela ? Pourquoi il y en aurait d'ailleurs ?
Vous évoquez des noms qui rappellent le Trio de bass. Qu'est-ce qu'il est devenu ?
Je ne sais pas
Beaucoup attendaient un album de ce trio de bass
Avant de chanter avec Salif, en 1996 déjà, nous nous disions quand est-ce que nous ferions un truc ensemble. Il a fallu attendre 2003. Chaque fois que nous voulions le faire, quelqu'un avait un truc à faire, un album ou une tournée en vue. Ce n'est pas souvent évident. Dans ce cas, ça tombait bien parce que nous sommes désormais dans la même maison de disque
Est-ce que le Trio a lui-même jamais envisagé de faire un disque un jour ?
Bien sûr. Mais ce n'est pas évident. C'est trois personnes qui jouent dans des groupes différents. Chacun est tout le temps parti de son côté. Et puis, on ne fait pas un disque comme cela aujourd'hui. Je ne veux pas faire un disque pour le vendre au marché Nkolouloun. Il faut des garanties. Il faut garantir que ce disque va sortir partout dans le monde, dans les grands marchés, Aux Etats-Unis, en Europe, au Japon, en Corée et qu'il va sortir dans une "major compagny". Nous n'allons pas faire un album que nous allons irons nous-mêmes le vendre en Inde. Ce n'est pas notre job. Nous n'avons pas de tempos pour cela. Je suis en tournée neuf mois sur douze dans l'année. Ce n'est pas parce qu'au Cameroun on veut l'album qu'on va le faire comme cela. Et puis si on le fait il va être piraté
Comme votre dernier album?
Il n'est pas encore sorti ici que je le vois partout. Et ils me disent qu'ils veulent un album du Trio de bass. Je veux bien, mais quand même…
Dans votre dernier album justement, on fera difficilement le reproche de l'originalité et de la qualité. Seulement, on a l'impression qu'au bout, il y a des choses qui ont trop de traits communs avec d'autres précédemment entendues de vous. Les premiers titres de chacun de vos trois albums…
Mon souhait c'est de fabriquer mon style. C'est cela la musique. Chaque artiste doit en avoir un. Je me réjouis d'ailleurs que vous ayez ce sentiment. Ça veut dire que ça comme à venir. Il ne faut pas se dire, parce que c'est le rap qui est à la mode, qu'on va le faire à tout prix. Il faut éviter de sauter sur les mouvances. Il faut rester soi-même. C'est comme cela que les grands artistes ont écrit leur histoire. Quand Miles Davis joue une note à la trompette, on sait tout de suite que c'est lui. Quand on entend un accord de guitare brooomm, on sait que c'est Pat Mickey. Quand c'est Jimmy Hendricks, on sait que c'est lui. C'est important de construire son style. Ensuite, le plus dur c'est de garder son public de base. Chaque fois que vous recommencez, ce n'est pas sûr que vous y parviendrez. Il faut aller progressivement. Peut-être que mes albums se ressemblent et qu'ils sont liés quand on les écoute. Aujourd'hui, je veux faire en sorte que ceux qui m'écoutent même sans comprendre la langue se disent que ça c'est Richard Bona. C'est que j'ai appris des gens comme Miles.
Dans votre deuxième album, il y a une chanson qui ressemble à un piano de Bob James repris en chant ?
Ce n'est pas une chanson de Bob James, c'est ma chanson. C'est moi qui l'ai écrite. C'était avant que je ne fasse cet album. Bob James m'a demandé de lui écrire une chanson. Je l'ai écrite.
Il en est de même pour une autre, toujours dans le même album, où on a l'impression que vous faites une reprise de Watanabe…
C'est la même chose. D'ailleurs sur la pochette, c'est écrit. C'est ma chanson. Je viens de faire l'album de l'album de George Benson qui sort en janvier 2004. Il m'a demandé d'écrire un morceau. J'allais en tournée et je n'ai pas pu le faire. Même s'il y a des sonorités qui ressemblent aux miennes, cela ne veut pas dire que ce sont mes chansons
Benson, Sting, Watanabe, Miles Davis, Chet Baker, Ben Webster et on en oublie. Comment se passe généralement le travail avec ces grosses pointures du jazz ?
C'est des gens que je connais déjà et qui appellent mon staff avec qui ils s'entendent
Sur le plan artistique, est-ce qu'ils font confiance à votre inspiration ou vous commandent-ils des choses bien précises ?
Mais non ! On discute. On dîne. On en parle. S'il veut par exemple une ballade, il peut arriver qu'il me donne un tempo ou me propose une mélodie. Je vais chez moi dans mon petit studio et j'essaye de faire un truc. Je fais généralement deux ou trois versions. Il en pique une et la vie continue
Est-ce que votre leitmotiv aujourd'hui c'est de dire tout a déjà été créé, mais je vais créer sur ce qui a déjà été fait ?
On apprend toujours de quelqu'un en musique. On essaie toujours de reproduire quelque chose qui nous a touché, qui nous parle. Chaque musicien a, à un certain moment, imité quelqu'un. C'est aussi comme cela qu'on avance. Seulement, derrière ce qu'on a appris, il faut chercher sa propre voie. Cela arrive au bout de beaucoup de travail. Cela arrive naturellement quand on travaille sans tricher parce que quand on arrive à un certain niveau, lorsqu'on a maîtrisé son instrument, on prend forcément une voie qui n'est plus celle de ses maîtres. Deux musiciens ne peuvent pas avoir le même phrasé sur le même instrument. Pourquoi c'est comme cela ? C'est parce que chaque musicien a un rapport qui lui est particulier avec un instrument
Si on disait de vous que vous jouez de plus en plus de la guitare comme si vous tissiez de la soie?
C'est aux gens de juger
Est-ce que sur les scènes que vous parcourez, il vous arrive souvent de penser à l'endroit d'où vous venez ?
Forcément. Et c'est ce qui fait que chaque jour j'ai envie d'aller toujours de l'avant. Je sais que je viens d'ici. Je n'ai pas oublié mes origines
Est-ce que vous vous dites souvent que vous représentez le cameroun ?
Pas seulement le Cameroun. Mais aussi l'Afrique tout entière. Parce qu'ici, je sais qu'il y a de l'espoir malgré la misère et les guerres. Le soleil se lèvera un jour. Mais pour cela il faut travailler. Il faut être sérieux et provoquer le destin
La bass camerounaise est aujourd'hui l'une des meilleures au monde. Et vous comptez parmi ses ténors. Qu'est-ce qui fait la force de cette bass ?
Je ne sais. Il n'y a pas une école de bassistes au Cameroun. Il n'y a pas une potion que les bassistes avalent. C'est comme le football. C'est un instrument populaire au Cameroun. C'est un instrument qui domine beaucoup nos musiques. C'est un instrument qui a toujours été considéré chez nous comme un instrument leader. Jusqu'en 80, quand on entendait des musiques comme l'ambassy-be, il y avait très souvent la bass et la batterie. La bass n'a jamais été considérée chez nous comme un instrument de retrait. C'est une tentative d'explication. Je ne suis pas sûr que ce soit d'ailleurs d'explication. Ce que je sais c'est que nous avons beaucoup de bons bassistes. Maintenant je veux qu'on me dise pourquoi nous n'avons pas beaucoup de bons claviéristes alors que nous avons des claviers ici. Pourquoi il n'y a pas beaucoup de bons percussionnistes et pourquoi au Brésil il y en a tant ? Difficile à dire. Pourquoi les Camerounais sontils meilleurs footballeurs que d'autres africains qui jouent autant que nous dans la rue dès le bas âge ? Je ne
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