BONA SAWA

BONA SAWA

Mr. Ngandé Maurice nous entraîne dans les coulisses de l’organisation du Mayi 2011.


Mr. Ngandé Maurice nous entraîne dans les coulisses de l’organisation du Mayi 2011.

Chers membres et amis,

Nous commençons une série d’interview  avec les membres de notre communauté locale et ici sur la toile qui font avancer notre développement économique, social, culturel, éducationnel et politique de la sous région (océanaise). Nos peuples sont souvent identifiés comme étant enfermés dans la culture de la langue de bois, pourtant, le ciel seul sait que nous sommes très communicatifs et il faut reconnaitre que c’est cet esprit de communication qui nous a conduits tous sur ce réseau communautaire.

Dans quelques jours, nous célébrons le Mayi 2011. C’est une édition très attendue et à cet effet, nous sommes allés voir  un de nos aînés, leader communautaire, activiste social et féru de culture d’autant plus qu’il est depuis plusieurs années au cœur de l’organisation et de la réussite de ce qu’est aujourd’hui, l’une des institutions culturelles des Ndowè-Batanga (Banoho et Bapuku) d’abord puis, la grande communauté des Peuples Ndowè.   

Comme le veut notre tradition Bantu et Ndowè, nous allons habiller le nom de notre invité avec l’appellation Ntodu (aîné) au cours de cette interview, par respect de nos traditions ancestrales.

Peuples Ndowè (PN): Bonjour Ntodu Maurice Ngandé, c’est un plaisir, car on va enfin en savoir un peu plus sur les préparatifs de notre chère fête commémorative, le nom moins populaire Mayi. Cette édition est mise sur quel thème?  Pouvez vous nous donnez le contexte historique du Mayi ?

Ntodu Ngandè Maurice (NNM) :

Je vous remercie tout d’abord de me donner l’opportunité de parler de cet évènement historique, mais aussi de tous les mots aimables dont vous avez bien voulu entourer ma modeste personne.

Ceci dit, c’est avec la même fièvre d’il y a quelques dizaines d’années, quand nous étions tout petits, que nous attendons cet évènement. Je revois encore avec quelle effervescence mon propre père qui à l’âge de douze ans faisait partie des déportés,  s’activait dans les préparatifs de cette chose et tout le monde dans le même concert. Maintenant que nous avons pris le relais, nous pouvons dire que le Mayi  reste quelque chose d’atavique en nous. Mais la fièvre que nous ressentons est plus grande encore parce que le Mayi s’internationalise et les préparatifs pèsent beaucoup plus lourd.

J’ai l’insigne honneur d’être le secrétaire général de Mayi 2011 en même temps que je me charge des activités culturelles, notamment dans la réalisation de la soirée de l’opéra.  Alors, dès  que, le 31 Mai, le Chef du Groupement a désigné le Président du comité d’organisation, ce dernier a tôt fait de mettre sur pied son équipe et d’aller vers les sponsors. Pendant ce temps chacun en ce qui concerne la commission qui lui a été confiée établit un projet de réalisation qu’il soumet au président, dans une réunion en présence des membres des bureaux des associations d’âges et autres, (bétuta et bébota), afin d’aboutir à un consensus général sur tous les compartiments de l’organisation.(foire, hommage aux mânes, opéra, carnaval, baignade populaire, sports nautiques, grand banquet de clôture jusqu’à la cérémonie d’adieux à la Reine de eaux).

Bien entendu cette culture se développe fidèlement depuis 1916, qui marque le retour de la déportation de ceux qui ont très bien pu revenir. Il faut rappeler que ce retour c’est opéré en deux phases : le 14 février 1916 et le 9 Mai de la même année.

Le Mayi cette année est mise sous le thème de :  « MAYI MA BEHOPE » c’est dire que la jeunesse est vivement interpellée face aux perspectives d’avenir que le peuple Batanga et partant, le peuple Ndowè se sont assignés. Il est temps d’entrer dans une ère de modernisation de nos structures de développement.

PN: En tant que leader avéré de notre communauté Ndowè, que pensez-vous de la place du Febuary dans ce contexte historique et de commémoration aujourd’hui? Quelles solutions ont été apportées pour réconcilier les deux événements ?

Cette question, presque toujours, m’arrache quelques larmes lorsque nous constatons à quel point il a été difficile de réconcilier ces deux fêtes dans un contexte qui est devenu simplement culturel et dont les enjeux inévitablement sont devenus politique et géostratégique à l’heure où notre région connaît depuis quelques décennies une affluence démographique du monde extérieur. Je m’en voudrais d’évoquer ici les tares qui nous ont empêchés de réconcilier ces deux moments. Je ne voudrais pas que l’on impute à ma mémoire d’aimer à remuer  les cendres de notre honte collective. Mais je puis dire qu’ «  à quelque  chose malheur est bon », car nous avons tout de même réussi à contourner nos querelles. En effet le mouvement Ndowè  qui se répand aujourd’hui est la résultante de cette lutte acharnée pour l’unité de tous les côtiers de notre région.

 La genèse du mouvement Ndowè  datant de l’initiative commune de l’Abbé Charles Ngandè et de Njokou Mapéta, à qui nous devons attribuer sa paternité,  a fini par aboutir à cette réalité  Ndowè. Que ces deux pionniers reposent en paix dans leur tombe. Voyez-vous, l’essentiel est fait. Pendant que tous nos espoirs de rassemblement et d’unité sont portés vers les Horizons Ndowè, Le Fébruary  et le Mayi  resteront des fêtes historiques avec la tendance dominante  Batanga des gens de  Lohovè (kribi ville) qui lors des Etats Généraux, ont très bien marqué leur attachement au mouvement Batanga plutôt que de se fondre dans le mouvement Ndowè. Je me réjouis de ce que  la dynamique Ndowè ait tout de même pu être retenue pour tous. Pour tout dire le Fébruary est en train de devenir une pièce de musée pendant que le Mayi continue de monter de plus en plus haut comme pour devenir la figure de proue du peuple Ndowè.

PN: Le Mayi a pris une connotation carnavalesque qui commence à épouser avec la tradition brésilienne, qui au départ est une vielle tradition  bantu que nos ancêtres ont connu et ont emporté avec eux au Brésil et à Cuba et autres Caraïbes, pendant la triste période d’esclavage. Pourquoi, ce revirement, ce retour aux origines, cette communion avec le monde noir universel?

NNM :

Oui ! Le carnaval parlons-en. C’est peut-être curieux que les ancêtres du carnaval soient apparemment en train de découvrir cet évènement. C’est là le problème. Le brassage des hommes, le mélange des cultures et la conservation des mœurs peuvent seuls expliquer ce que représente le carnaval de Rio. En y ajoutant les canaux de la science, de la technologie et des financements, les résultats sont énormes.

A Kribi, nous l’avions compris autour de notre aîné le feu Général Bénaè Mpèkè, mais beaucoup, au nom d’un conservatisme déplacé, n’ont pas voulu suivre cette philosophie. Depuis  l’époque coloniale jusqu’à nos jours, l’administration organise sa fête nationale dans la métropole du lieu. Les écoliers venaient de partout à pied pour aller défiler en ville le 14 juillet. Je me suis revu moi-même dans un film fait par mon père en 1958 en tenue bleu blanc rouge dans un défilé du 14 juillet. Nous avions préconisé qu’à l’instar de ce schéma tous les Batanga se rassemblent au défilé du 9 Mai à Kribi, afin d’atteindre des proportions qui allaient nous ouvrir l’ère du carnaval avec l’introduction des chars en l’an 2000 par le feu Général Bénaè. Tout ce projet était disait-on un complot des Banoho (Mayi) pour éteindre les Bapuku (Fébruary).

Le Ndowè peut remédier à cette situation. Ce mouvement peut aider à briser les frontières à condition de créer d’autres espaces de rassemblement qui puisent leur sens dans la tradition et la culture. Tenez : les chefs traditionnels de 3è degré envisagent de recréer le M’papo qui est un rite propitiatoire ancien qui consistait à faire des offrandes aux divinités de l’eau afin de nous attirer leurs faveurs. En ce moment là, tout le monde se reconnaîtrait en cette croyance ancienne.  Si les dates historiques du 14 février et du 9 mai nous divisent, il est certain que tous les Ndowè se reconnaîtront dans le rite du Mpapo. Encore que les Yassa et las Batanga ba Nda ne célèbrent aucune des deux dates historiques.

Je ne pense donc pas que le désir de monter un carnaval de plus en plus grand n’a rien à voir avec notre  volonté de revenir aux sources. Il s’agit pour nous de consolider nos liens pour faire face à toutes les velléités  de domination qui nous menacent de l’extérieur.

PN: Grâce à internet, nous retrouvons progressivement les traces des descendants de nos ancêtres partis pendant l’esclavage et nous avons vu récemment  a nouveau, un groupe des descendants de nos ancêtres de la région Kribiènne revenir nous rendre visite depuis les Etats Unis. Pour PN qui est sensible aux symboles de réconciliation forts dans nos communautés, c’était la lièsse totale, quoi que n’ayant pas pu assister à cet événement. Cependant nous nous mettons en contact avec cette association pour de possibles collaborations en vue d’amplifier le mouvement de réconciliation et réintégration de ceux-ci. Ne pensez vous pas qu’il soit temps de mettre dans la programmation du Mayi, le volet triste de la traite négrière ? Ceci en effet afin que nos enfants et prochaines générations soient informés, pour éviter que ceci ne se reproduise et surtout que les membres de notre communauté soient avises sur l’esclavage des temps modernes qui existent dans le monde et qui vise les enfants.

NNM :

Cette expérience a été très émouvante pour les uns et les autres. Il serait bon de nouer des relations avec nos frères arrachés à leur culture par l’esclavage. Oui, je pense que ce volet mériterait certainement de figurer dans les programmes de notre fête. En effet les Batanga semblent être éternellement voués à la déportation. Après l’esclavage dans la traite négrière, la déportation pendant la 1ère guerre mondiale, aujourd’hui ce sont nos frères de Ebunja, Lolabè, Mbodè et autres qui ont été déguerpis pour la construction du port en eau profonde. Tout se passe toujours sans réparation….

PN: Peuples Ndowè pense qu’il faut inviter les descendants de nos ancêtres qui sont au Brésil (Bahia), aux USA, et ailleurs dans les caraïbes qui se reconnaissent par leur ADN et même par l’histoire comme des nôtres. Quelle est votre opinion sur cette proposition ?

NNM:

Des échanges entre les hommes sont toujours bénéfiques si les profits sont réciproques.

PN: Revenant sur l’aspect carnavalesque du Mayi, il faut reconnaitre que les vertus des carnavals c’est surtout de réconcilier ou de concilier les Peuples. Quelle est l’état de l’union des peuples Ndowè pour vous qui été au cœur des réunions et autres rencontres allant dans le but de maintenir notre cohésion sociale, puis notre ouverture vers les peuples reconnus comme lointains parents, voir mêmes proches parents (je fais allusion aux Malimba, Duala, et autres), seront t-ils invités à cette édition ?  

NNM:

A mon avis, les Ndowè ont d’abord intérêt à se réconcilier avec eux-mêmes. Nous avons besoin de consolider notre identité avant d’embrasser ceux qui sont un peu plus éloignés de nous. L’union des Ndowè reste encore fragile. Les Etats Généraux datent d’hier. La promesse des fleurs est attendue. Après tout cela, nous attendons, mais quelques chefferies telles que Mboamanga et Afan Mabé ont entrepris des reformes internes pour préparer une plate forme propice au développement de leurs structures de fonctionnement.

Les invités au Mayi sont de tous bords. On invite plus Mayi, on s’invite. Le Mayi devient de plus en plus un pôle d’attraction international. De temps en temps nous invitons nos frères Batanga de la Zone anglophone, mais cela coûte cher à une organisation dont les moyens dépendent à grand espoir des sponsors, qui réagissent souvent après la fête elle-même .Mais je pense qu’à l’avenir nous ferons encore.

PN : Il ya t-il des projets de développement du Mayi dans un aspect communicationnel avec son propre site internet par exemple ?

NNM:

Le site internet Mayi existe, je ne sais pas qui l’alimente. Les présidents qui se suivent n’ont pas tous la culture de l’internet. Nous avons fait des propositions concrètes au chef de groupement sur le mode de gestion du Mayi. Nous avons proposé que la gestion cesse de passer d’une main à l’autre selon que le postulant à direction soit un privilégié, soit qu’on estime qu’il est suffisamment nanti pour peser de tout son poids financièrement parlant sur la fête. Nous pensons qu’il faut établir un directoire pérenne et constitué d’experts dans des domaines donnés et capables de mener une réflexion à long terme sur l’établissement d’une gestion durable. C’est à ce moment que la communication pourrait s’entourer de tous les moyens capables d’exporter le Mayi. Nous espérons qu’ 31 Mai, nous aurons été écouté et que le Chef du Groupement fera solennellement l’annonce de cette nouvelle forme de gestion.

 

PN : En attendant nous vous prions de nous tenir au courant des informations à cet effet que nous allons faire suivre dans nos organes de communication en ligne (Peuples Ndowe, Horizons Ndowè) et Bonasawa, qui est très visité sur la toile pour la qualité de nos articles.

Vous n’allez pas finir cette interview sans nous dire quelle sera la grande surprise de cette édition et quel message lancez-vous à la grande communauté Ndowe du monde et à nos amis dans le monde…

NNM :

Si je vous dis qu’elle sera la grande surprise, ce ne sera plus une surprise ! Nous nous sommes attelés comme toutes les organisations le font chaque année à améliorer l’état de la fête dans tous ses compartiments. Néanmoins, l’attraction sera sans doute la pirogue terrestre (bolo bo ntindi) à laquelle nous avons apporté des améliorations notables.

PN : Ntodu Ngandè Maurice, notre interview arrive à sa fin et nous vous souhaitons beaucoup de courage pendant ces préparatifs du Mayi de 2011. Au fait, où se procure- t- on le pagne du Mayi ? Dites nous, qui est l’auteur de cette fresque devenue légendaire ?

NMM :

Seul le Président du Mayi  a reçu l’agrément pour la distribution du tissu, et le point de vente unique a été fixé à la salle de fêtes de Mboamanga. Et bien l’auteur de cette belle fresque n’est autre que le Président actuel  Ngandè Gabriel, un artiste en dehors de ses fonctions d’autorité traditionnelle.

PN : Nous espérons vous entretenir à nouveau sur d’autres sujets  brûlants de notre communauté Ndowe. A très bientôt et portez vous très bien, nous avons encore grand besoin de votre présence. Mayi Mayamu !

 

Interview conçue et réalisée par Alphonse Mpèkè Pour PN et BNS. Special Edition edition du Mayi, 2011.



06/05/2011
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