BONA SAWA

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SANDRA NKAKE, LA VOIX MAGIQUE ET UNE PRESENCE SUR LA SCENE QUI TRANSPORTE

                    

                                              

                  photo by Flore Sparfel        @t Elysees Montmatre by Amelie aka Stella-K

 

SANDRA NKAKE, LA VOIX MAGIQUE ET UNE PRESENCE SUR LA SCENE QUI TRANSPORTE

 

Interview réalisée par Mpeke Mu Ntonga A., BNS TVR, © 2007

 

BONASAWANAUTES, elle est a nouveau parmi nous.  Parce que nous savons que vous l'aimez tout comme nous, que nous sommes allés a sa rencontre, afin d'avoir cette tranche d'intimité dans Bonasawa, l'espace social en ligne des peuples du Grand Sawa. Nous sommes toujours émus quand nous rencontrons les nôtres, qui d'une manière ou d'une autre véhiculent directement ou indirectement un certain sens de l'équilibre dans l'univers par ce qu'ils/elles font. Si Nkaké n'existait pas il aurait fallu l'inventer. Car elle véhicule un amour de la vie qui laisse sans voix: "MANGEZ LA VIE ! DONNEZ, DONNEZ pour DONNER, pas pour RECEVOIR ! " Qu'elle nous conseille et avec raison d'ailleurs. Dans BNS TVR, elle nous dit tout ce que nous ne savions pas d'elle, sans façon, sans tricherie; Voici Sandra Nkaké à cœur ouvert.

 

Bonasawa TVR: Merci Sandra Nkaké pour avoir accepté d'être des nôtres dans BonaSawa TV Radio, l'espace Social en Ligne des Peuples du Grand Sawa par cette interview. Nous avons vu et lu quelques-unes de vos interviews. Comment réagissez-vous face à la mauvaise représentation des artistes descendants africains dans le monde médiatique, particulièrement français ?

 

Sandra Nkaké: Avant même de parler des artistes d'ascendance africaine, il y a avant tout un problème de visibilité pour les artistes tout court. Depuis quelques années que je fais ce métier, je n'ai eu de cesse de rencontrer des artistes au combien talentueux dont je ne trouvais ni les disques, ni les concerts, car ils ne correspondent pas à ce que le business demande. Le talent est presque devenu secondaire. Mais pour en revenir à la question première, oui il y a un problème de visibilité qui vient essentiellement du manque de moyens de production et de promotion. Pour voir une scène et un créneau dits "africains" émerger plus, nous aurions besoin de structures, d'argent mais surtout… d'un "projet" commun. Il faut s'adapter au marché ; mais rien n'est plus difficile quant on est artiste, c'est pourquoi il est important d'avoir une équipe avec soi : un manager ou une manageuse, un attaché de presse, etc.… Le tout ne se trouvant pas du jour au lendemain.Je rappelle aussi que nous sommes en France et que nous y sommes minoritaires contrairement aux discours d'extrême droite qui voudraient faire croire au peuple français qu'il est "envahi" par les Africains.Il faudrait en effet réussir à se fédérer, mais quand on voit que même au pays, on a du mal ! Il faut des nerfs en acier pour affronter les soi-disant amis qui vous veulent du bien et qui finalement repartent avec la caisse.

 

BNS: Comment réagissez-vous face aux stéréotypes, le racisme, disons-le clairement cette ignorance de certains gens de médias français sur l'histoire africaine ?

 

SN: Les stéréotypes ? On a en tous, et nous en sommes tous victimes un jour ! Il ne faut pas stigmatiser cette situation en la rendant unilatérale. La bêtise, fille de l'ignorance, est la tare la plus démocratique, car partagée par tous, quelques soient nos origines. Moi qui ai été élevée avec comme règles fondamentales, le respect, l'écoute, l'échange et l'amour, je me suis quand même entendue dire qu'il ne fallait pas que j'épouse un "Arabe, tous des voleurs", " et encore moins un Camerounais, tous des malhonnêtes".Je pense que tous les stéréotypes dont nous souffrons ne sont que les résidus d'un vieux type de fonctionnement qui va changer, mais ça prendra du temps.Sur ce sujet, il faut absolument aller voir le spectacle de Lotfi Achour, "Comédie indigène", qui se jouera au Tarmac du 2 au 27 octobre 2007, dont c'est exactement le sujet : à travers des textes d'auteurs classiques et reconnus, des chansons coloniales, d'images d'archives, le metteur en scène nous met face à notre regard sur l'Autre. La méconnaissance engendre, la peur. La peur déclenche la violence ? C'est cet engrenage qu'il faut désosser, tout comme il faut de notre côté être vigilants quant à la façon dont on nous catalogue : ne pas être dupes, quoi ! Je ne saurai trop conseiller, à tous, de lire "Noir silence" de François-Xavier Verschave qui en dit long sur la Françafrique, ou comment la France notamment continue d'entretenir des guerres intestines.

 

BNS: Croyez-vous qu'on s'intègre mieux si on ignore son histoire ?

 

SN: Comment vivre si on ne connaît pas son histoire ! À commencer par son histoire familiale! C'est très très dur. De là à être un pro en histoire, c'est autre chose. Nous ne sommes pas à égalité face à l'accès à la culture, et chacun à des besoins différents quant à la recherche de son histoire, dans l'histoire. Je crois qu'il me faudrait redéfinir le mot "intégration". Ce mot vient du verbe "intégrer", soit "faire rentrer dans un groupe plus grand". S'intégrer, oui bien sûr, c'est même une des plus grandes facultés humaines, se mélanger et s'adapter. Mais je crois qu'on ne s'intègre vraiment bien que quand on sait qui on est, d'où on vient. Sinon, ça s'appelle de l'assimilation. Le métissage en soit est une forme d'intégration, c'est même l'avenir de notre espèce.

 

BNS: Vous êtes donc une descendante Sawa, d'où ?

 

SN: Je suis née à Yaoundé, mais, feu mon grand-père était originaire de Fiko, ainsi que sa famille du côté paternel ! La mère de mon grand-père était quant à elle de Bessounkang.

 

BNS: Qu'est-ce que ça vous fait de savoir que vous êtes une descendante africaine et que vos ancêtres africains aux Amériques ont créé ces musiques Jazz, Soul, Funk, Samba, Salsa, Reggae, Pop… que vous avez dans la peau ?

 

S.N: Je suis parisienne d'adoption mais femme du monde de part mon éducation. Le Cameroun bien qu'un peu étranger pour moi du fait que je vive ailleurs, m'est très cher. D'ailleurs j'en parle toujours avec beaucoup de fierté, voire d'orgueil. De 1984 à 2003, je ne suis pas allée au Cameroun pour des raisons familiales un peu complexes à expliquer, mais ça m'a toujours démangé d'y retourner, comme un besoin primordial. En 2003, je me suis levée tous les matins en me disant, il faut que j'aille au Cameroun avant mes 30 ans, il faut que j'y aille, il faut que j'y aille. Je ne pensais qu'à ça. Du coup, tout s'est mis en ordre autour de moi pour organiser ce voyage. J'avais le besoin urgent de retourner "chez moi" et par-dessus tout d'aller au village de mon grand-père, où j'ai pu rencontrer sa famille. J'ai été accueillie avec chaleur, amour et bonté par des personnes que je n'avais jamais rencontrées ! J'ai mangé, bu et ri avec ma famille alors même que je ne parle pas leur langue ! Ce voyage m'a recentrée, et surtout enrichie. J'ai été accueillie en musique, une musique qui me suit toujours, même si ce n'est pas celle que je fais. La musique a ça de génial qu'elle parle au cœur directement. Quant à l'avoir dans la peau, c'est uniquement parce j'ai été par une maman mélomane et très curieuse : nous écoutions autant Coco M'bassi, Manu Dibango que les voix bulgares, Bob Marley ou Billie Holiday. La musique voyage, se transforme et nous transforme.

 

BNS: Je fais l'effort de ne pas parler d'influences, avec des artistes de votre classe, c'est un concept de subordination. Parlons plutôt de tendances. C'est quoi vos tendances en terme de musique ?

 

SN: J'ai des goûts très éclectiques : ces derniers temps j'ai beaucoup écouté van Hunt, Jill Scott, Eryka Badu, mais aussi Prince, Bjork ou David Bowie. Je suis une grande curieuse et mangeuse de musique quel que soit le style, du moment que ça me fait du bien. J'ai un amour tout particulier pour Nina Simone dont l'écriture et la voix me laissent à chaque fois la même impression : il faut faire ce métier pour donner, donner, donner, et donc échanger.

 

BNS: Faites-nous l'exclusivité de la thématique de cet album en pleine fabrication.

 

SN: Il va s'appeler "Manssadi" qui signifie petite mère. C'est le nom que ma mère m'a donné à la naissance. Je dédie cet album à ma maman, Lucie Nkaké, décédée en décembre 2006 à Yaoundé. Cette femme m'a donné de l'amour et un esprit d'ouverture que j'ai essayé de mettre en musique. J'y parle donc d'amour sous plusieurs formes : apprendre à s'aimer soi-même pour commencer, comme dans "Stay true" qui est d'ailleurs la première chanson que j'ai écrite. Quelle que soit la manière dont les gens vous regardent, il faut tâcher de ne pas dévier du chemin dont on sait qu'il est bon pour nous. Je parle de partage, de célébration de la Vie, comme dans "Celebrate".Je parle aussi beaucoup de spiritualité, à mon échelle, c'est-à-dire, apprendre à regarder l'Autre avec respect et amour donc. Je suis femme, fille et mère, il me semble qu'il est primordial pour mes enfants de leur montrer un chemin qui mène vers une meilleur compréhension de ce qu'est la nature humaine. Je parle de relations amoureuses, évidemment car sans amour pas de rencontres, pas d'échange.

 

BNS: HAPPY Life !

 

SN: "Happy" est l'une de mes chansons préférées parce qu'écrite assez vite, et avec beaucoup de plaisir. Malgré tous les aléas de la vie, je veux garder la tête haute et continuer à défendre ce que je suis : forte mais aussi très fragile. J'ai moins peur qu'avant, d'affronter mes faiblesses. Cette chanson oscille entre jazz et heavy funk sur la fin, avec des guitares saturées.  

 

 BNS: Vous semblez confiante !

 

SN: Il faut l'être, sinon comment avancer? Si je ne crois pas en moi, qui le ferait !? Je ne dis pas que c'est facile, mais je m'accroche. Tous les jours je me conditionne en me disant que l'important ce n'est pas d'être "géniale" mais être soi.

 

BNS: Comment vous vient votre inspiration?

 

SN: Je n'ai pas de "principes" ou de "trucs". Les rapports humains d'une manière générale m'inspirent. Mes enfants, mes amis, une toile, une odeur, un vêtement, la musique des autres…

 

BNS: Vous êtes donc en ce moment en train d'enregistrer votre premier album. Comment avance le projet ? Vous sentez-vous bien entourée jusqu'ici ?

 

S.N: Le projet avance très bien ! Merci ! Nous sommes effectivement mon équipe et moi en enregistrement. Je suis productrice de mon album, que je réalise avec Vincent Théard (pianiste, qui joue dans mon groupe aussi). Les  musiciens qui m'entourent, me poussent et me guident depuis près de deux ans maintenant apportant chacun leur touche : Booster, Guillaume Farley, Lawrence Clais, Didier Combrouze, Vincent Théard, ainsi que nos ingénieurs Alan Ledem et Christophe Marais. J'ai aussi la chance d'avoir rencontré un bon manageur, Ronan Sparfel qui me pousse à être de plus en plus moi ! Donc oui, je suis bien entourée. Mais j'ai aussi autour de moi beaucoup d'amis artistes, Karl The Voice, Gérald Toto, Janice Leca, Kova Rea, Juan Rozoff, Jî Mob, David Walters qui me font avancer en partageant avec moi mes musique et tranches de vie !

 

BNS: Vous avez une approche simpliste de la vie pourtant ça n'a pas l'air d'être facile de concilier une vie d'artiste et de mère de famille ?

 

S.N: Une approche simpliste !? Je ne sais pas. Tout ce que je peux dire, c'est que je suis très terrienne et que je ne m'embarrasse pas de faux semblants ou de consensualisme : j'aime les personnes directes et franches. Quant à ma vie de mère et de femme, je la mène tranquillement, même s'il est en effet parfois difficile de joindre "les deux bouts", mais ça ne va pas durer !!! (Rires).Mes enfants assistent dès que possibles à mes concerts, ou ceux de mes amis. J'aime l'idée qu'ils puissent avoir un accès direct  à mon travail. Leur avis m'est d'ailleurs très précieux, car ils écoutent sans jugement ni a priori et leurs critiques sont souvent très justes. Le réveil à 7 h tous les matins quand on est rentré à 3 h après un concert, ce n'est pas toujours facile, mais pas impossible. J'ai la chance d'avoir un homme très présent et nous gérons notre planning avec finesse et équité.

 

BNS: Qu'est-ce qui vous catalyse dans la vie pour avoir autant d'énergie ?

 

SN: Bonne question !? Je ne saurais vous dire, je crois que c'est une nature. Je pense que cela vient en partie de mon éducation : ma mère m'a toujours dit de profiter, de manger la vie. On ne sait pas quand on va partir, alors il faut profiter de ce cadeau (même si parfois empoisonné) qu'est la vie. J'ai toujours voulu faire un métier qui me mettrai en rapport avec l'Humain dans ce qu'il a de plus profond et pur : encore l'Amour. Partager ma musique avec un public qui me suit de plus en plus, avec beaucoup de tendresse, me donne envie de me surpasser chaque jour un peu plus. J'aime la Vie, j'aime donner, et tant qu'il me restera assez de souffle, je veux continuer à faire ce pour quoi je suis faite : donner.

 

BNS: Vous avez une présence scénique qui fait votre réputation dites-nous tout…

 

SN: TOUT. Non, sans rire ! Et bien, j'aime la scène, je m'y sens bien. C'est un espace de créativité et de vérité qui m'inspire. Je ne me vois pas faire autre chose que ça !

 

BSN: Vous êtes sensuelle, belle, charmante, ça vous dit de laisser une photo dédicacée à nos nombreux internautes?

 

SN: Merci pour le compliment qu'il faut envoyer à mes parents ! Ainsi qu'à leurs parents, etc.…Une photo, pourquoi pas, c'est ou qu'on signe ? !!!

 

BNS: (Rires) On commémore l'abolition de l'esclavage en Grande-Bretagne. 200 ans après, croyez-vous que ça devrait s'oublier ?

 

SN: Oublier ! Certainement pas. Si nous pouvons boire du café, le sucré, si le Château de Versailles est si beau, si une bonne partie de l'Occident est  prospère, c'est bien parce que nos ancêtres ont été décimés pendant près de quatre siècles. Le continent africain a été et est "sucé" de son essence. Aujourd'hui encore pour des diamants, du pétrole, de l'uranium, les pays dit du Nord alimentent les guérillas en Afrique, transformant ses enfants en soldats, rendant l'accès aux soins élémentaires, à la culture plus que difficile. Donc oublier, certainement pas. On ne peut ni ne doit oublier une histoire qui fait partie de l'Histoire. Une histoire que n'appartient pas aux hommes, mais dont nous sommes les acteurs. Il n'est jamais trop tard pour commémorer, comme il n'est jamais trop tard pour demander pardon, afin d'avancer, d'évoluer. Donc, je dis youpi, c'est un début !

 

BNS: Merci Lady Nkaké d'avoir accepté de partager cette tranche avec nous et nos internautes. C'est un bonheur d'être en votre compagnie. Avez-vous un dernier mot pour nos internautes ?

 

SN:Tout d'abord, merci à vous. Merci pour votre confiance et votre intérêt pour ce que je suis et fais. J'aime échanger, comme vous avez pu le constater ! À mes amis internautes une chose, simpliste peut-être, mais qui me tient à cœur: MANGEZ LA VIE ! DONNEZ, DONNEZ pour DONNER, pas pour RECEVOIR !

 

BNS: C'est nous qui vous remercions Sandra Nkaké et vous souhaitons le plus grand succès dans tout ce que vous ferez de vos multiples talents. Bye now, you are a Darling. Tu es en famille à Bonsawa, revient quand tu veux. Voila…

 

 Le site officiel de Sandra Nkaké est joignable à partir de notre rubrique « Nos Liens » mais aussi en suivant les ceux ici au bas de cet article.

 

© All right reserved, Bonasawa TV Radio, Aout 2007

 

myspace.com/sandrankake

http://sandrankake.blogspot.com (mon blog)



08/10/2007
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