BONA SAWA

BONA SAWA

UNE DIVA BIEN SAWA DANS SA TETE

Après une enfance entre le Cameroun et la France qu'elle rejoindra pour ses études, Coco Mbassi aujourd'hui se crée une voie du côté de la Grande-Bretagne; pays qu'elle définit comme étant le lieu du salut où seul le talent est la représentation des humains et non les considérations raciales et autres.

Entretien accordé à Rosette.S



Coco Mbassi en quête de reconnaissance musicale et humaine à Londres.

-parlez-nous de vos débuts en tant qu'artiste ?

 Le début de ma carrière est quelque chose d'un peu complexe. J'ai commencé à chanter professionnellement en France dans les années 1990 -1991, j'ai accompagné de nombreux artistes tels que Manu Dibango, Ray Lema, Salif Kéita, les frères Touré Kounda, ensuite après ce long parcours de choriste, j'ai participé et été lauréate du concours «  découverte RFI France » en 1996 puis vient la sortie de mon premier album en 2001.

- Avoir été la choriste de Manu Dibango un des piliers de la musique africaine, est-il une couverture positive pour une carrière ?

 Oui et non. Ceci parce que c'est exactement comme vous le dîtes un grand artiste donc l'enjeu pour moi est assez grand. Néanmoins quand mon mari et moi avions produit mon deuxième album, il a su être là pour nous, pour la promotion et tout ce qui a suivi. Malgré tout chanter auprès d'autres artistes tels que Rokia Traoré et j'en passe m'a aussi beaucoup apporté dans mon travail et même encore aujourd'hui cette base continue à me guider et m'inspirer dans tout ce que je fais. Avoir été à leur côté m'a permis d'observer le professionnalisme dont ils faisaient preuve et d'apprendre à l'être.

- Est-ce à cause de ces artistes que vous citez qui font plutôt une musique soft que vous avez refusé de faire dans le genre dansant, mais avez plutôt opté pour l'acoustique ?

 Non c'est un choix délibéré parce qu'en dehors de ces artistes que j'ai cités, j'ai travaillé avec des talents artistiques camerounais comme Toto Guillaume, Dina Bell, participé à la plupart des albums arrangés par Aladji Touré, partant de cela j'aurais pu faire une musique dansante mais je pense que la musique part plutôt de mon mélange de culture. J'ai vécu treize ans au Cameroun, vingt-deux ans en France depuis deux ans à Londres. Et quand on calcule on se rend compte que j'ai plus vécu en Europe qu'en Afrique ce qui explique pour moi mon genre musical.

- Le marché du disque actuellement vit une mauvaise passe, n'avez-vous pas peur que votre musique différente de la « musique en tam-tam » qu'on connaît à l'Afrique aujourd'hui n'intéresse personne. Tout en sachant que le coupez -décalez, les musiques folkloriques sont de plus en plus celles qui s'exportent ?

 À vrai dire que je me suis plus lancé sans me poser de questions, en voyant des aînés dans la musique comme Lokua Kanza me donnait la force de continuer, et c'est une fois vraiment dedans que je me suis rendu compte du fait de la particularité de votre musique qui est celle de ceux qui recherchent autre chose que de la musique qui bouge. Mais à mon avis, il est important de rester intègre artistiquement. Il y en a sûrement qui font des choses qu'ils sentent pas malheureusement moi je n'y arrive pas.

 


- La différence de votre musique avec les autres du marché explique-t-elle le pourquoi de votre absence dans les soirées africaines organisées en Europe ?

 Non je ne pense pas. Aussi, généralement je choisis assez souvent mes prestations parce que j'aime sentir un événement pour y participer. C'est pourquoi j'emploierai plutôt l'expression je suis rare et non absente des soirées. Autrement la musique sur scène est différente de celle des albums, j'essaye de la rendre assez ambiante de façon à partager et passer de bons moments avec le public et mes fans qui n'hésitent pas à danser. Il faut par ailleurs souligner que le public africain attend généralement venant d'un artiste des extravagances telles que des marques Dior, Versace qu'on aperçoit de part et d'autres de sa tenue, des cheveux défrisés et autres que je ne peux pas leur offrir. D'où la particularité de ceux qui viennent me voir en spectacle. Des gens qui aiment ce que je fais, des personnes prêtes à découvrir, à ressentir d'autres sensations. C'est donc normal que certain public et certains organisateurs me boudent parce que ça les amuse plus d'avoir des personnes à travers lesquelles ils s'identifient.

- Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans votre travail ?

 La difficulté principale est le fait que notre public soit moindre par rapport à celui des chanteurs de rock, de pop et autre musique ambiante. Nous, nous avons besoin d'un public qui nous suit, c'est un élan musical qui petit à petit se crée un chemin avec d'autres artistes tels que Richard Bona, Étienne Mbappè, Oumou Sangaré l'avenir s'annonce promoteur et j'y crois. Aussi devrais-je ajouter avec ironie que le nègre évolué ça ne vend pas beaucoup. Les gens quand ils arrivent à un concert, ils ont envie de ressentir des sensations qu'ils auraient eu en allant en Afrique. Mais si tu arrives avec le piano, la batterie, la guitare, choses qu'ils ont déjà je ne vois pas où est notre apport à ces gens-là. Que découvrent-ils du coup ?. Son semblable au leur. On va écouter du Sting pour que ça sonne et on vient à un concert africain en Occident pour que ça dépayse. C'est ce qui justifie le fait que notre public soit très occidentalisé.

- Quel est votre avis sur les phénomènes actuels de l'industrie du disque : piraterie et détournement des droits d'auteur ?

 C'est simple il n'y a sûrement plus d'artistes intègres, de modèles vivants, mais il y a encore des gens qui aiment leur art, qui sont en constante recherche de la perfection. Je ne vais pas créer la polémique mais je sais qu'il y en a qui se sont servis et qui ont trouvé leur compte en encaissant les droits d'auteur des artistes, les droits des nuits sans sommeil des chanteurs africains. Ce qui est regrettable. La piraterie qui la tolère ? Qui la fait au vu et au su de tout le monde ? Je pense qu'il n'y a que les réponses à trouver et les coupables à punir.

- Est-ce par effet de mode que vous avez quitté la France pour l'Angleterre. Phénomène très observé actuellement dans le monde des artistes ?

 Absolument pas. Au contraire c'est avec beaucoup de regrets que j'ai pris la décision de partir moi qui suis née en France ainsi que mon mari. Mais il le fallait pour protéger les enfants à qui je voulais pas donner pour seul exemple de réussite Rachid l'arabe du coin accusé de vol et Touré le noir taxé de dealer de cocaïne. Les clichés qui j'avoue ne ressemblent pas du tout à cette France d'il y a vingt ans. Je voyais Paris comme une ville cosmopolite ou des personnes d'origines diverses avaient décidé et étaient fières de vivre ensemble. Le mélange culturel qui pour ma part devait être enrichissant. Ce qui n'est pas le cas, c'est plutôt l'objet de diverses ségrégations, d'hypocrisie et comme ce n'était pas des valeurs que je voulais inculquer à mes enfants, des choses qu'ils n'étaient pas bonnes pour notre épanouissement nous avons décidé de partir pour Londres où le travail n'est pas offert à la tête du demandeur mais plutôt selon les compétences et les capacités de celui-ci. En France mes enfants n'avaient aucun modèle noir à suivre. On peut réussir par le football, le rap, la musique, la comédie mais pourquoi pas aussi être président directeur général d'une grande firme quand on est noir. Ce que l'on voit ici en Grande-Bretagne. Les jamaïcains qui nous ont devancé ont aboli si je peux me permettre le verbe certains comportements envers les noirs. Les personnes de couleur on en aperçoit à la télévision nationale anglaise, elles sont anoblies par la reine. Le combat de la communauté noire en Angleterre est ailleurs aujourd'hui mais plus au niveau où se trouve la France. Les Anglais sont froids dit-on d'eux mais je pense aussi que notre but premier à nous les africains présents en Europe reste de gagner assez d'argent pour aller participer au développement de notre continent. Tant qu'on m'insulte et qu'on me donne du travail ça me va. Vous m'imaginez allant traduire pour IBM à Paris avec mes dreadlocks ? C'est impossible ce serait plutôt l'occasion d'entendre des réflexions du genre «  écoutez ! Je veux bien être gentille, mais vous vous coiffez autrement sinon les clients auront peur ».  C'est donc dans le souci de préserver mes enfants en leur montrant d'autres modèles de noirs qui ont réussi ailleurs que dans le sport et la musique, que nous nous sommes installés à Londres.

- Après la description de toues ces choses qui restent réelles en France, quels conseils à ceux qui en Afrique malgré tout continuent à risquer leur vie pour venir en Europe ?

 Vous savez un jour j'ai voulu déconseiller à une fille de venir en Europe elle m'a répondu que j'étais contente d'être en Europe et de mieux y vivre et qu'en retour je ne voulais pas que sa vie soit aussi belle.
 Maintenant que leur dire ? Tout simplement à ceux qui viennent étudier c'est une bonne chose parce que le système scolaire européen à des avantages sur tout matériel que nous ne possédons pas en Afrique. Des filières comme le tertiaire qui sont difficiles d'accès chez nous ici sont plutôt accessibles. Venir par contre entreprendre des études de conservateur du musée franchement ce serait pour aller conserver quel musée un Afrique ? Rêver de venir pour avoir des papiers par des moyens indignes tels que des enfants non désirés, des mariages blancs qui parfois tournent à la catastrophe c'est assez alarmant.
 La seule solution revient nos gouvernements qui devraient se bouger de façon à ce que la vie sociale des individus ne serait-ce qu'elle change pour éviter les maladies telles que la rupture d'anévrisme, l'hypertension, le Sida. Il y aura sûrement encore des personnes candidates au départ mais au moins il y en aura qui aiment leur pays et d'ailleurs ne demande qu'à rester.

Site officiel de Coco Mbassi : www.coco-mbassi.com

 

SOURCE CAMERFEELING 2006
 
 

 



14/09/2006
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